C’était une de nos traditions de fin d’année sur FilmDeCulte que nous avons souhaité poursuivre sur Le Polyester : nous avons demandé aux personnalités du cinéma (cinéastes, interprètes, compositeurs) que nous avons interviewées ces 12 derniers mois de nous parler de leur(s) film(s) préféré(s) de l’année. Une cinquantaine d’artistes parmi nos interlocuteurs évoquent pour nous leurs favoris de 2019. L’an passé, ce sont Touch Me Not de Adina Pintilie, High Life de Claire Denis et Zama de Lucrecia Martel qui avaient été plébiscités. Cette année, ce sont Parasite de Bong Joon-Ho et Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma qui arrivent en tête, entre autres coups de cœur et pépites à découvrir…
Ariane Labed
J’ai découvert Viendra le feu de Oliver Laxe à Thessalonique où j’étais membre du jury cette année et ça a été un choc esthétique, narratif, émotionnel et sensoriel. C’est définitivement un des films qui m’a marquée cette année. Il y a aussi The Lighthouse de Robert Eggers, un ovni dans le paysage du cinéma anglo-saxon. Encore une fois, une expérience physique et sensorielle très intense. Une photographie incroyable et des acteurs sublimes. Je suis depuis des années le travail de Joanna Hogg qui est trop méconnue du public français, et cette année son dernier film (qui est un film en deux parties) The Souvenir 1 a été une très belle surprise. C’est un film très intime et qui traite notamment du fonctionnement de la mémoire et sa narration. Son ton est absolument unique et je vous conseille de voir ses précédents films, dont mon préféré Exhibition. Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma était lui aussi un film, que d’une certaine manière, je rêvais de voir depuis longtemps, sans le savoir. Une véritable histoire d’amour. Les dialogues sont sublimes et ce qui se joue entre les personnages est d’une puissance innommable. Et La Favorite de Yorgos Lanthimos !
• Connue jusqu’ici comme actrice, la Française d’origine grecque Ariane Labed a signé son premier court métrage en tant que réalisatrice, intitulé Olla. Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, ce film figure dans la prochaine compétition française du Festival de Clermont-Ferrand ainsi que dans la compétition courts métrages de Sundance.
Eva Trobisch
Sans ordre particulier :
Heimat is a space in time de Thomas Heise
Les Éternels de Jia Zhang Ke
Portrait d’une jeune fille en feu de Céline Sciamma
La Camarista de Lila Avilés
Angelo de Markus Schleinzer
I was at home, but… de Angela Schanalec
• Grand Prix au Festival Premiers Plans d’Angers, Comme si de rien n’était, premier long métrage de l’Allemande Eva Trobisch, est sorti en salles en avril. Elle figure dans notre dossier des révélations de l’année.
Nao Yoshigai
Suspiria de Luca Guadagnino. Il y a tellement de grands films auxquels on a envie de faire une ovation mentale après les avoir vus. Mais avec ce film-là, c’était comme un afflux de sang, j’avais envie de faire un câlin au film et de l’embrasser. J’ai beaucoup aimé cela.
• Réalisatrice mais aussi danseuse et chorégraphe, la Japonaise Nao Yoshigai a signé le court métrage Grand bouquet qui a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs cette année.
Alex Ross Perry
Pour moi, le film de 2019 est Under the Silver Lake de David Robert Mitchell. C’est le seul film parmi ceux que j’ai vus qui tente quelque chose de différent et ce de maniète complexe et ambitieuse, tant dans son écriture que dans sa mise en scène. Bien souvent désormais, le but des films (et peu importe leur budget) est de correspondre à une durée et à un rythme communément acceptés. Voir quelque chose d’aussi idiosyncratique, se battre désespérément contre les normes de la narration, et réussir avec une telle insouciance délirante a été l’éveil et la secousse d’espoir que j’avais besoin de voir cette année.
• L’Américain Alex Ross Perry a réalisé Her Smell avec Elisabeth Moss. Ce film est sorti l’été dernier en France.
Jagoda Szelc
Cette année le meilleur film que j’ai vu est Nuestro tiempo de Carlos Reygadas. C’est fascinant de voir ce réalisateur s’améliorer de manière incroyable film après film. Il fait cela avec une certaine modestie et une certaine noblesse, sans frime. Il n’a pas besoin d’entrer en concurrence avec qui que ce soit. Et puis en 2019 j’ai enfin vu L’Eclipse et La Notte d’Antonioni. Et maintenant je peux mourir.
• Le dernier long métrage de la Polonaise Jaogda Szelc, Monument, a fait sa première française cette automne à Kinopolska et figure dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année.
Sudabeh Mortezai
Portrait de la jeune fille en feu de Celine Sciamma
La Vie invisible d’Eurídice Gusmão de Karim Ainouz
Monos de Alejandro Landes
Benni de Nora Fingscheidt
• Joy de l’Autrichienne Sudabeh Mortezai a récolté de nombreux prix en festivals cette année avant d’être choisi pour représenter l’Autriche à l’Oscar du meilleur film international. Le film a été acheté par Netflix.
Peter Strickland
Bait de Mark Jenkin, j’ai trouvé ça remarquable. J’en ai marre qu’en Angleterre, chaque conversation sur le cinéma ne porte que sur l’argent. La première question qu’on pose généralement quand un film est en train de se se faire c’est « Qui joue dedans ? » puis « Tu ne peux pas prendre quelqu’un de plus évocateur ? », un bel euphémisme pour dire « Quelqu’un qui rapportera plus d’argent ». Dans Bait, il n’y a que des inconnus, c’est en noir et blanc, le réalisateur a tout fait lui-même en post-prod, y compris tout le son, et au final ça a été un gros succès. Ça a remporté quatre fois son budget. Ça remporté bien plus d’argent qu’In Fabric, je suis jaloux ! Mais je suis surtout admiratif. Dès les premiers plans on sent qu’on est dans la tête de quelqu’un et c’est exactement ce que je recherche. Je ne veux pas voir des films qui cherchent à me faire plaisir, je veux qu’on me surprenne. Voilà un cinéaste qui désapprend ce que c’est que la mise en scène.
• Le Britannique Peter Strickland a réalisé le film d’horreur In Fabric, qui est sorti en salles en novembre. Ce film figure dans notre dossier des films qui sont sortis des sentiers battus cette année.
Kazuhiro Soda
Sorry We Missed You de Ken Loach est certainement l’un de mes films préférés de 2019. Ses personnages sont si authentiques que j’oublie le fait qu’ils sont joués par des acteurs (ou non-acteurs) à partir d’un script. Il trouve constamment une véracité qui ne peut être atteinte que par les documentaires. Je ne sais pas comment il fait ça. J’aime aussi le fait qu’il continue à dépeindre les plus grands problèmes que nous avons aujourd’hui. Je suis tellement content qu’il n’ait pas pris sa retraite avec Moi, Daniel Blake. On a vraiment besoin de lui.
• Inland Sea du Japonais Kazuhiro Soda a été sélectionné en début d’année au Festival Kinotayo. Il figure dans notre liste des meilleurs documentaires de la décennie.
Itay Tal
Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma : une écriture et une réalisation brillantes – je ne suis pas étonné qu’elle ait gagné le prix du scénario à Cannes.
Joker de Todd Phillips : je ne pense pas avoir besoin d’expliquer pourquoi.
Synonymes de Nadav Lapid : une œuvre aussi courageuse que sincère. Nadav Lapid parvient toujours à m’inspirer, et c’est à nouveau le cas ici.
Love Trilogy: Chained de Yaron Shani : la meilleure interprétation vue depuis un moment, le film m’a laissé sans voix.
• Le premier long métrage de l’Israélien Itay Tal, God of Piano, a été sélectionné au Festival de Rotterdam en début d’année.
Patricio Guzman
Il y a quelques semaines est arrivé à la maison un jeune cinéaste que je ne connaissais pas, François-Xavier Drouet. Il avait besoin de documentation car il prépare un nouveau film sur le Chili. Il nous a laissé une copie de son dernier film, Le Temps des forêts. C’est un film impeccable et très beau. Il va à la rencontre de différentes personnes qui ont toutes un rapport intime à la forêt.
• Le Chilien Patricio Guzman a réalisé La Cordillère des songes, qui fut sélectionné à Cannes avant sa sortie en salles en octobre. Le Bouton de nacre figure dans notre dossier des meilleurs documentaires des années 2010.
Kavich Neang
L’un de mes films préférés de 2019 est Parasite de Bong Joon-Ho. J’aime beaucoup ce film qui n’y va pas avec le dos de la cuillère mais qui articule son propos de manière très ludique.
• Last Night I Saw You Smiling du Cambodgien Kavich Neang a été sélectionné en début d’année au Festival de Rotterdam et au Cinéma du Réel. Neang vient d’achever le tournage de son premier long métrage de fiction.
Bai Xue
A Febre réalisé par Maya Da-Rin. L’atmosphère de ce film est envoûtante. Je l’ai vu au Pingyao International Film Festival. La réalisatrice, par son regard et sa narration, est parvenue à m’intéresser profondément à ce personnage qui de prime abord m’a paru tellement loin de moi.
• The Crossing est le premier long métrage de la Chinoise Bai Xue. Ce film sera visible courant 2020 en France.
Jessica Hausner
J’étais au festival du film fantastique de Berlin et j’ai regardé Hérédité mais j’ai eu tellement la trouille après que je m’étais dit que si on me posait la question… je dirais que je préfère Ordet de Dreyer (rires).
• L’Autrichienne Jessica Hausner a réalisé le long métrage de SF Little Joe. Sélectionné en compétition à Cannes, il a remporté le prix d’interprétation féminine pour son actrice Emily Beecham. Little Joe est sorti en novembre en France. Ce film figure dans notre dossier des films qui sont sortis des sentiers battus cette année.
Dahee Jeong
Je choisirais House of Hummingbird de Kim Bora pour sa mise en scène très efficace.
• Grand Prix à Annecy pour son court d’animation Man on the Chair en 2014, la Coréenne Dahee Jeong a été sélectionnée à la Quinzaine des Réalisateurs pour son nouveau court intitulé Movements.
Zhu Xin
Asako I & II de Ryusuke Hamaguchi : la forme la plus remarquable de cinéma moderne dans cette décennie.
L’Oeuvre sans auteur de Florian Henckel von Donnersmarck : même si ce n’est pas un film parfait, il ouvre une discussion cinématographique surprenant sur la relation entre l’art et la vie.
• Le Chinois Zhu Xin a réalisé son premier long métrage, Vanishing Days. Celui-ci a été sélectionné à Busan et à la Berlinale et figure dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année.
Johnny Ma
An Elephant Sitting Still de Hu Bo qui est un bijou. J’ai adoré La Vie invisible d’Euridice Gusmao de Karim Aïnouz et The Lighthouse de Robert Eggers. Ce sont vraiment des films à part. Et Joker est peut-être l’un des films les plus provoquants parmi ceux que j’ai vus cette année. Il encourage les gens à discuter et à se confronter, et c’est une chose très particulière que le cinéma peut faire.
• Le réalisateur chinois a signé Vivre et chanter qui a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Le film est actuellement en salles.
Flatform
C’est toujours difficile de ne sélectionner qu’un ou deux films qui vous ont frappé en une année. C’est pourquoi nous aimerions mentionner trois longs métrages et trois courts métrages.
Les trois longs métrages sont Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan, Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky et The Trial de Sergei Loznitsa.
Le premier parce qu’une telle conception de l’espace visuel aussi extrême et virtuose pour exprimer l’ampleur du mélodrame n’a plus été vue au cinéma depuis Coup de cœur de Francis Ford Coppola.
Le second pour son portrait de la dévotion et le sentiment de partage qu’expriment avec profondeur cette structure narrative et ce montage sous adrénaline.
Le troisième parce que Loznitsa a réussi à faire se croiser de manière indissociable le documentaire et la fiction à partir du strict usage de films d’archives.
Les trois courts métrages sont Past Perfect de Jorge Jàcome, Je te tiens de Sergio Caballero et Life on Earth de Lucas Azemar. Le premier pour la manière dont il se dédouane esthétiquement, avec une sublimation pleine d’ironie, de son aspect littéraire laborieux. Le résultat enjambe sans peine le fossé entre la douleur du présent et la nostalgie du passé. Le deuxième pour son procédé simple et pourtant puissant, brillant même, qui donne tout le poids de la fatalité à cette histoire de mort imminente. Le troisième pour la liberté avec laquelle il amalgame visions et narration, rendant obsolète la frontière entre prises de vue réelles et images générées numériquement.
• Le collectif italien Flatform a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs pour son court métrage That Which Is To Come Is Just A Promise.
Matjaž Ivanišin
J’ai vu un film au Festival de Ljubljana qui s’appelle Une grande fille, réalisé par Kantemir Balagov. Après la séance je suis rentré chez moi. C’était un jour de novembre assez maussade, il était tard. J’ai marché une demi heure en compagnie des personnages, du relief de leurs visages, de leurs yeux, des couleurs, de la poussière du temps. Et encore aujourd’hui ces personnages sont avec moi.
• Oroslan du Slovène Matjaž Ivanišin a été sélectionné cet été au Festival de Locarno. Il figure dans notre liste des meilleurs inédits de l’année.
- Portrait de la jeune fille en feu Céline Sciamma
- Present. Perfect. de Shengze Zhu
- Oroslan de Matjaž Ivanišin
- Vitalina Varela de Pedro Costa
- Martin Eden de Pietro Marcello
- Parasite de Bong Joon-Ho
- Transit de Christian Petzold
- Giraffe de Anna Sophie Hartmann
- Viendra le feu de Olivier Laxe
- Liberté de Albert Serra
• Le Serbe Ivan Marković a co-réalisé avec le Chinois Wu Linfeng From Tomorrow On, I Will, qui a été sélectionné en début d’année à la Berlinale. Ce film a fait sa première française cet automne au Festival Entrevues Belfort.
Wang Quan’an
Cold War. Désolé, ce n’est pas un film très récent. Je retrouve dans ce film la pureté du cinéma d’auteur européen. L’histoire se déroule dans uns société communiste, ce qui forcément me parle beaucoup. Quand on cherche à faire un film critique sur ce genre de système, on utilise souvent la violence. Ce film m’a montré qu’utiliser la violence pour ce faire pouvait être encore plus puissant.
• Dévoilé en compétition à la Berlinale, La Femme des steppes, le flic et l’œuf du Chinois Wang Quan’an a remporté la Montgolfière d’or du meilleur film au Festival des 3 Continents à Nantes. Wang était l’invité d’honneur du dernier Festival Un état du monde. La Femme des steppes, le flic et l’œuf sortira au printemps 2020 en France.
Kelly Copper
J’ai vu le film de Thomas Heise qui s’intitule Heimat is a Space in Time et ce serait mon choix pour cette année. C’est une œuvre très personnelle qui porte un regard sur l’Histoire allemande et qui m’a beaucoup fait penser à notre époque et à ma place au sein de celle-ci. Cela m’a également fait réfléchir à la fragilité de l’individu dans l’Histoire. J’ai eu le sentiment de m’enfoncer dans le noir d’une salle de cinéma et en ressortir avec ce film en moi pour le reste de ma nuit. Une œuvre très forte et importante à partir d’artéfacts si simples et personnels, tout cela pour construire quelque chose de très vaste.
• Die Kinder der Toten, que l’Américaine Kelly Copper a co-réalisé avec Pavol Liska, a été sélectionné à la Berlinale en début d’année. Ce film figure dans notre dossier consacré aux meilleurs inédits de 2019.
Kiyoshi Kurosawa
Ce printemps au Japon j’ai vu le film Aquaman de James Wan, qui est connu pour avoir réalisé des films d’horreur. Je me disais jusqu’ici que c’était un cinéaste avec pas mal de talent mais je ne m’attendais pas à le voir faire un film aussi bien fait et aussi intéressant. Je me suis dit qu’on pouvait avoir beaucoup d’espoir pour les films qu’il allait faire par la suite.
• Le Japonais Kiyoshi Kurosawa a réalisé cet année le film Au bout du monde, sorti en octobre en France.
Elsa Kremser & Levin Peter
Ayka de Sergey Dvortsevoy nous a séduits, nous a dérangés et nous a fait souffrir. Nous avons quitté le cinéma ensemble et on n’a pas pu parler pendant un certain temps. Cela ne nous arrive qu’une fois par an en moyenne. Ayka en tant que personnage a questionné notre empathie et on s’est demandé si nous soutenions les différents choix qu’elle fait. C’est ce dilemme qui rend le cinéma précieux. En outre, nous pensons que ce film est un portrait de Moscou et de la Russie actuelle comme aucun autre dans le cinéma. Et qui plus est : le plan d’ouverture d’Ayka est l’une des plus étonnantes « premières images » de film que nous connaissons.
• L’Autrichienne Elsa Kremser et l’Allemand Levin Peter ont réalisé le documentaire / essai poétique Space Dogs qui a été sélectionné cet été au Festival de Locarno. Ce film figure dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année.
Morgan Simon
Voici mon top 10 de l’année 2019, ainsi qu’en bonus mon film de la décennie.
- Marriage Story de Noah Baumbach
- Les Éternels de Jia Zhangke
- Parasite de Joon-ho Bong
- M de Yolande Zauberman
- The Lighthouse de Robert Eggers
- Joker de Todd Phillips
- Les Misérables de Ladj Ly
- Les Tombeaux sans nom de Rithy Panh
- Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino
- La Femme de mon frère de Monia Chokri
Mentions spéciales : J’veux du soleil de François Ruffin et Gilles Perret et Tu mérites un amour d’Hafsia Herzi
Le film de la décennie 2010-2019 : Holy Motors de Leos Carax (2012)
• Révélé par son premier long Compte tes blessures en 2016, le Français Morgan Simon a réalisé le court Plaisir fantôme qui a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs cette année.
Anne Emond
Grâce a mes distributeurs français je suis dans une tournée incroyable donc je n’ai quasiment rien vu depuis un mois, hélas. Je mange beaucoup de canard et de fois gras mais les films me manquent. Le dernier film que j’ai adoré c’est Leto de Kirill Serebrennikov. J’ai trouvé ça réjouissant, très bien filmé. Il y a tout là-dedans : c’est à la fois amoureux, politique et artistique.
• La Canadienne Anne Emond a réalisé la comédie Jeune Juliette. Dévoilé au Festival de La-Roche-sur-Yon, ce film est actuellement dans les salles françaises.
Cristóbal León et Cristina Sitja Rubio
Cristina Sitja Rubio : Le dernier film que j’ai en tête est Parasite de Bong Joon-Ho. Son sujet n’est pas si singulier mais il le traite de manière intéressante et le travail formel est incroyable. Pendant le FID Marseille, le film qui a fait le plus écho en moi a été Le Miracle du Saint Inconnu de Alaa Eddine Aljem. J’ai beaucoup aimé la subtilité de cette comédie et le doux charme du film. Misericordia, un court métrage de Xavier Marradas. Il invite le spectateur dans la ville brésilienne de Misericordia, en enregistrant les rêves de ses habitants. Visuellement superbe. We Can´t Live without Cosmos de Konstatin Bronzit, un court métrage animé qui décrit une relation mère-fils et l’absence de la figure paternelle. Je sors acheter des cigarettes, un autre court animé de Osman Cerfon qui a été l’un de mes films favoris au Festival d’Animation de Madrid. C’est aussi sur un enfant en quête d’une figure paternelle, ou qui en tout cas essaie de comprendre son absence.
Cristobal León : Ah ce n’est pas facile ! En ce qui concerne les courts d’animation je citerais Above the Brain de l’artiste japonais Nonoue Akihito. C’est un film magique, étrange, à la fois abstrait et qui a un sens même si celui-ci ne s’offre pas facilement. C’est un film qui va plus vite que ce que la logique et la compréhension ne le permettent et j’ai aimé cela. Je citerais également Winter in the Rain Forest de l’animatrice estonienne Anu-Laura Tuttelberg. J’adore son côté intemporel, j’adore la façon dont ces créatures uniques s’intègrent naturellement à cet univers. En ce qui concerne mes longs métrages préférés, je dirais Midsommar du réalisateur américain Ari Aster. C’est un film qu’on pourrait classer dans la catégorie horreur mais qui évite tous les clichés du genre. C’est un film qui n’a pas peur d’être abstrait, c’est un voyage psychologique tel que tout film devrait être. Sculptural et pictural.
• La Vénézuélienne Cristina Sitja Rubio et le Chilien Cristobal León ont co-réalisé le court d’animation Strange Creatures, qui a été montré cet été au FID Marseille. Cristobal León s’était auparavant distingué avec le long métrage La Casa lobo qui figurait parmi nos meilleurs inédits de 2018.
Lim Sun-Ae
Je n’ai pas pu voir beaucoup du films cette année car je terminais An Old Lady, mais le film le plus récent que j’ai vu est Joker de Todd Phillips. Pendant tout le film, j’ai souhaité voir ce type de personnage écrit pour une actrice.
• La Coréenne Lim Sun-Ae a reçu le prix du public au Festival de Busan pour son premier long, An Old Lady.
Diao Yinan
Séjour dans les monts Fuchun de Gu Xiaogang est un bel exemple du travail très intéressant de la nouvelle géneration des cinéastes chinois.
• Ours d’or pour Black Coal, le Chinois Diao Yinan a signé cette année le polar Le Lac aux oies sauvages. Ce film sélectionné en compétition à Cannes est actuellement dans les salles françaises.
Mina Mileva et Vesela Kazakova
The Physics of Sorrow de Theodore Ushev, qui est un artiste que nous suivons. C’est une référence en termes d’expressivité. Bien qu’il s’agisse d’un film d’animation d’une demi-heure, on l’a regardé comme s’il s’agissait d’un long métrage et il est d’ailleurs plus excitant que bien des films.
La Communion de Jan Komasa : une économie de moyens qui est parvenue à nous immerger.
• Les Bulgares Mina Mileva et Vesela Kazakova ont réalisé Cat in the Wall, qui a été dévoilé cet été au Festival de Locarno.
Adele Tulli
Capital retour de Léo Bizeul, Present.Perfect. de Shengze Zhu, Nuestro Tiempo de Carlos Reygadas, Martin Eden de Pietro Marcello, Parasite de Bong Joon-Ho et Faith de Valentina Pedicini.
• L’Italienne Adele Tulli a réalisé le documentaire Normal, sélectionné en début d’année à la Berlinale. Normal a récemment été projeté dans le cadre du Festival Chéries-Chéris et fait partie de la sélection du festival en ligne Artekino, visible librement jusque fin décembre. Il figure dans nos dossier des meilleurs inédits en salles de l’année.
Marius Olteanu
La Vie invisible d’Eurídice Gusmão de Karim Ainouz. Un sentiment constant et intense de chaleur, une atmosphère incroyablement poétique, des couleurs oniriques puissantes et saturées et, surtout, la capacité d’invoquer l’empathie à un point où vous voulez juste entrer dans le film et réconforter les deux sœurs. Plus j’y pense, plus je veux le revoir.
• Le Roumain Marius Olteanu a réalisé son premier long métrage avec Après la nuit. Sélectionné à la Berlinale, ce film est actuellement dans les salles françaises. Marius Olteanu figure dans notre dossier des révélations de l’année.
Jocelyn DeBoer et Dawn Luebbe
Jocelyn DeBoer : Honeyboy de Alma Ha’rel, qui est une cinéaste très talentueuse. Shia LeBeouf et elle se sont vraiment mis à nu, et la performance du jeune acteur m’a énormément touchée.
Dawn Luebbe : Knock Down the House de Rachel Lears m’a laissée bouche bée. C’est un documentaire qui suit les campagnes électorales de plusieurs personnes aux profils inattendus. Politiquement, on vit une époque où il y a énormément de raisons de se sentir découragé, y compris aux États-Unis. Ce film redonne un espoir fou.
• Les Américaines Jocelyn DeBoer et Dawn Luebbe ont réalisé la comédie Greener Grass qui a été diffusée en France au Festival de Deauville et à l’Etrange Festival à la rentrée. Ce film figure dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année.
Tonia Mishiali
Queen of Hearts de May el-Toukhy, un film émotionnellement épuisant mais dans le bon sens du terme, avec une prestation superbe de Trine Dyrholm.
Douleur et gloire de Pedro Almodovar, pour moi c’est son film le plus intime et courageux, avec un formidable Antonio Banderas.
Sons of Denmark de Ulaa Salim, un film très politique et actuel qui retourne l’estomac.
• Pause est le premier long métrage de la Chypriote Tonia Mishiali. Il a été sélectionné dans une trentaine de festivals.
Melvil Poupaud
Je ne les ai pas encore vus, mais je suis sûr que ce sera Liberté d’Albert Serra et Vitalina Varela de Pedro Costa !
• Melvil Poupaud s’est distingué en début d’année au casting de Grâce à Dieu, Grand Prix à la Berlinale qui a ensuite attiré près d’un million de spectateurs en France. Il a fait l’objet d’une rétrospective à la rentrée au Forum des Images.
Ross Hogg
Je me retrouve souvent plus attiré par les courts métrages. Je pense qu’ils trouvent un écho en moi car ils peuvent être extrêmement ludiques en termes de forme, et ils ont la capacité de prendre de grands risques concernant leur structure.
Un film qui se démarque dans ma tête parmi ceux vus en festivals cette année est Don’t Know What de Thomas Reynoldner. Son approche expérimentale est brillamment ludique et permet d’exploiter habilement la quantité minime de séquences. Il a aussi des moments vraiment humoristiques qui sont très rafraîchissants, qui plus est dans un film plutôt abstrait/expérimental.
Roughhouse de Jonathan Hodgson est un autre film qui a eu un effet profond sur moi. Bien qu’initialement sorti en 2018, il a eu une année très réussie sur le circuit des festivals en 2019 et, après avoir apprécié le travail de Jonathan pendant des années, j’ai pensé qu’il méritait une mention. Il s’agit d’une représentation très intime et crue de harcèlement dans le cadre d’un foyer d’étudiants. Le film utilise tout le potentiel qu’autorise l’animation dessinée. Des détails auxquels on peut s’identifier se transforment peu à peu en quelque chose de plus abstrait, permettant à l’histoire de se dérouler d’une manière vraiment émouvante et percutante.
Slug Life de Sophie Koko Gate est aussi un film que j’ai énormément apprécié. Son design audacieux et coloré, conçu avec une confiance inébranlable, est un vrai régal à regarder sur grand écran.
• L’Ecossais Ross Hogg a co-réalisé avec Duncan Cowles le court métrage Just Agree Then, qui a été sélectionné au Festival de La-Roche-sur-Yon. Ce film est désormais visible librement en ligne.
Anja Kreis
L’un des films que j’ai aimés cette année est l’Allemand Oray de Mehmet Büyükatalay. En tant que réalisatrice russe, je m’intéresse beaucoup au thème de la religion qui est très présent dans la vie en Russie comme dans les films russes. Mais malheureusement c’est un thème qui n’est plus trop traité aujourd’hui. A mes yeux, la religion est la meilleure façon d’expliquer certaines contradictions. J’ai aimé ce film car il montre des musulmans et leur vie en Europe sans avoir à les relier d’une manière ou d’une autre à des sujets comme le terrorisme, le guerre sainte, la burka etc…
• La Russe Anja Kreis a réalisé la comédie Folle nuit russe, son premier long métrage. Ce film est sorti cet été en France.
Denis Parrot
Voilà 3 films qui m’ont particulièrement marqué en 2019 :
La Favorite de Yórgos Lánthimos dépeint de façon drôle, cruelle et tragique les jeux de pouvoir et les côtés obscurs de l’âme humaine dans un film en costumes, avec 3 actrices excellentes. Magistralement orchestré, très impressionnant !
90’s de Jonah Hill arrive à saisir avec une justesse sidérante le passage de l’enfance à l’adolescence. Drôle, sensible (mais sans sensiblerie) et très émouvant.
J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, est un film d’animation inclassable, réaliste et poétique. Très original, sensible, ce film m’a bouleversé.
• Le Français Denis Parrot a réalisé le documentaire Coming Out, sorti en mai en France.
Snowdrops
L’Homme qui a surpris tout le monde de Aleksey Chupov et Natasha Merkulova. Malheureusement, 2019 nous a tenu trop éloignés des cinémas, autant Christine que moi, alors que nous avions vu beaucoup de films en salles et en festivals en 2018. Malheureusement pas de coup de cœur pour les quelques fois où nous sommes allés en salles cette année… Mais nous repensons tous les deux au même film, sorti en France en mars, et que nous avions vu à Venise en 2018. Un film très étrange, vraiment surprenant, qui pour ma part m’avait donné un drôle de malaise sur le coup, autant sur le fond que la forme de l’histoire, mais qui nous est beaucoup resté en tête après-coup.
• Le duo français Snowdrops a composé la musique du film thaïlandais Manta Ray, réalisé par Phuttiphong Aroonpheng (qui nous avait parlé l’an passé de son film préféré de 2018). Ce film est sorti l’été dernier en France. Phuttiphong Aroonpheng figure dans notre dossier des révélations de l’année.
Isabel Sandoval
J’ai beaucoup aimé Une grande fille de Kantemir Balagov, Saturday Fiction de Lou Ye, Marriage Story de Noah Baumbach et Martin Eden de Pietro Marcello.
• La Philippine Isabel Sandoval a réalisé Brooklyn Secret qui a remporté le Grand Prix au Festival Chéries-Chéris. Ce drame sortira le 18 mars 2020 en France.
Kislay Kislay
J’ai adoré Boluomi qui a été projeté à Busan dans le cadre de la compétition New Currents. Son récit est complexe.
• L’Indien Kislay Kislay a été sélectionné en compétition au Festival de Busan avec son premier long métrage, Just Like That.
Yonfan
J’en ai deux. Heureux comme Lazzaro de Alice Rohrwacher que j’ai vu trois fois en une semaine, ça m’est allé droit au cœur. Je n’ai jamais été fan de Tarantino, mais j’ai trouvé que Once Upon a Time… in Hollywood était un chef-d’oeuvre. Celui-là aussi je l’ai vu trois fois en une semaine.
• Le Hongkongais Yonfan a réalisé le film d’animation N°7 Cherry Lane, qui a été primé à la Mostra de Venise avant d’être sélectionné à Toronto. Il a fait sa première française au Festival des 3 Continents à Nantes. Ce film figure dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année.
Sung-A Yoon
Les trois long-métrage de fiction qui ont principalement retenu mon attention sont pleinement ancrés dans une démarche documentaire.
Vitalina Varela de Pedro Costa : le personnage de Vitalina m’a totalement transportée, dans son regard, son langage, son histoire, sa souffrance et sa dignité. J’ai aimé la douceur du regard porté sur elle par Pedro Costa.
Viendra le feu de Olivier Laxe : pour le minimalisme du langage cinématographique et la discrétion de la mise en scène qui expriment tant de subtiles nuances sur le regard que le réalisateur porte sur le monde.
Les Particules de Blaise Harrison : sa façon sensible de raconter cette période de l’adolescence où tout notre monde semble pouvoir basculer d’un instant à l’autre. Et pour l’usage très maîtrisé qui y est fait des effets spéciaux.
• La Française Sung-A Yoon a réalisé le documentaire Overseas, qui a été dévoilé cet été au Festival de Locarno. Il fera sa première française en janvier au Festival Premiers Plans d’Angers. Ce film figure dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année.
Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov
Cette année a été très bonne pour les documentaires. Voici ceux que nous citons parmi les plus forts et courageux : Advocate de Philippe Bellaiche et Rachel Leah Jones, Midnight Family de Luke Lorentzen, Pour Sama de Waad al-Kateab et Edward Watts et American Factory de Steven Bognar et Julia Reichert.
• Les Macédoniens Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov ont réalisé le documentaire Honeyland. Encore invisible en France, ce film a remporté le Grand Prix à Sundance dans la compétition documentaires avant d’être un succès surprise dans les salles américaines. Honeyland fait partie à la fois dans la dernière shortlist pour l’Oscar du meilleur film international et dans celle du meilleur documentaire. Il figure dans notre dossier des meilleurs inédits de l’année.
Nelson Bourrec Carter
Cette année mon film préféré sera celui que j’ai regretté n’avoir vu qu’une fois, l’hypnotisant et complexe Demonic de Pia Borg. Un court métrage documentaire déceptif opérant par couches successives de supercheries, parlant d’un des plus gros procès de l’histoire des Etats-Unis : les accusations de satanisme au sein d’une école primaire dans les années 80. Elle y mélange faits et fiction pour créer une forme aussi étrange que l’histoire qu’elle étudie. Terrifiant. En longs, je suis encore hanté par The Plagiarist de Peter Parlow, qui parle d’appropriation de la parole de manière troublante, Her Smell d’Alex Ross Perry car on n’avait pas vu une scène de ballade au piano aussi belle depuis longtemps, et What You Gonna Do When the World’s on Fire ? de Roberto Minervini, qui réussit le travail périlleux d’associer réalité brute et parti pris esthétique fort, sans en faire un fantasme de la misère.
• Le court métrage Levittown du Franco-Américain Nelson Bourrec Carter a été sélectionné à Entrevues Belfort et au Festival New Directors New Films de New York. Il prépare actuellement son premier long métrage.
Dossier réalisé le 28 décembre 2019 par Nicolas Bardot et Gregory Coutaut.