Critique : Parasite

Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…

Parasite
Corée du sud, 2019
De Bong Joon-Ho

Durée : 2h12

Sortie : 05/06/2019

Note :

NOS CHERS VOISINS

La famille de Ki-taek (incarné par Song Kang-Ho, collaborateur habituel de Bong Joon-Ho et une nouvelle fois génial) vit dans un sous-sol pourri où le wi-fi ne passe pas et dont la vue donne sur une ruelle où les soûlards vont pisser. Cette famille ne s’en sort pas, qu’il s’agisse de la mère, vieille semi-gloire du lancer de poids (idée formidable) ou de ses gosses dont le non-avenir semble déjà écrit. Elle a pourtant un plan pour s’échapper de son sous-sol… Nous n’en dévoilerons pas trop car si c’est certes le cas de tous les films, Parasite est vraiment un film à découvrir.

Bong Joon-Ho est un cinéaste particulièrement éclectique dont chaque film revisite un genre (le polar, le film de monstres, le mélodrame, la SF, le conte). L’une des particularités de Bong est également de faire un cinéma profondément politique sans jamais que ses films ne s’annoncent comme politiques. Parasite n’est pas un film fantastique d’invasion monstrueuse comme le suggère son titre, mais ce n’est pas un drame social politique ancré dans un pur réalisme. C’est une farce grotesque mais qui a beaucoup de choses à dire – sur la Corée et sur le monde, sur les classes et sur la façon dont on peut coexister malgré la béance vertigineuse des inégalités sociales.

Loin de la famille de Ki-Taek vit la famille Park. Loin, dans tous les sens du termes car la somptueuse maison, entourée d’arbres comme une forêt, semble littéralement appartenir à un autre monde. Tout y est lisse et doux, « l’argent est un bon fer à repasser » dit-on. Bong filme une confrontation de classes assez archétypale mais déformée peu à peu par un rictus nerveux. La violence contenue des rapports de classe menace à tout instant de basculer dans la folie, comme si les eaux se mettaient à monter pour infiltrer la maison. Ça déborde et ça renverse tout, notamment les repères moraux : « tuer quelqu’un ou trahir un pays, qu’est-ce que ça peut bien foutre ? ».

Après deux productions internationales (Snowpiercer et Okja) pas dénuées de qualités mais qui avaient perdu quelque chose en route par rapport à ses grands films coréens, Bong revient à son meilleur avec ce long métrage immensément fun et flamboyant. L’inventivité et la beauté constantes des cadres, la photo superbe de Hong Kyung-Po (déjà responsable récemment de celles de Burning et The Strangers), la science du montage – on voit Parasite et l’on se dit que c’est comme ça qu’on fait du cinéma. On devrait refuser, après cette séance, de voir des films visuellement paresseux.

C’est la force de Bong mais aussi d’un certain cinéma coréen populaire qui traite mieux ses spectateurs que n’importe quel autre. Car c’est un divertissement en or et c’est aussi un film intelligent sur ici, là-bas et maintenant. Le réalisateur décrit Parasite comme une « comédie sans clowns et une tragédie sans méchants » – le film, absolument virtuose, jongle en effet à merveille entre les tons et les nuances. Et c’est un formidable bolide dont la Palme d’or est mille fois méritée.

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par Nicolas Bardot

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