Festival de Clermont-Ferrand | Entretien avec Ariane Labed

Olla d’Ariane Labed, qui s’est illustrée comme actrice chez Athina Rachel Tsangari, Yorgos Lanthimos ou encore Lucie Borleteau, a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Cette réussite figure cette semaine au programme du Festival de Clermont-Ferrand. L’héroïne d’Olla a répondu à une annonce sur un site de rencontre de femmes de l’Est. Elle vient s’installer chez Pierre qui vit avec sa vieille mère, mais rien ne va se passer comme prévu. Ariane Labed nous en dit plus sur ce premier film prometteur…

Quel a été le point de départ de Olla ?

A vrai dire je ne me souviens plus très bien. J’ai développé le scénario pendant longtemps et il a pris des formes diverses, mais je sais que je voulais faire le portrait d’une femme dont on attend quelque chose de précis. Quelqu’un sur qui on projette des idées, des désirs. Une femme prête à « jouer le jeu » jusqu’à se retrouver prise au piège. Cela a pris la forme de ce récit qu’est Olla.

Le premier plan d’Olla avec l’héroïne qui sort de la brume est très marquant. Il installe une tension mystérieuse, avec cette apparition quasi-fantastique. Pourquoi avoir choisi de débuter le film ainsi ?

Pour installer une tension mystérieuse, une apparition quasi-fantastique ! Je ne voulais pas ancrer Olla dans ce que l’on appelle le réel. C’est un personnage qui nait lorsqu’il apparait et meurt lorsqu’il disparait au dernier plan. Reste l’empreinte qu’elle laisse en chacun de nous. Nous rêvions, Balthazar Lab (directeur de la photographie) et moi, de brume dans ce champs que j’avais déjà en tête dès l’écriture. Je connais très bien ce champs et savais que nous pouvions espérer de la brume à cette période de l’année mais notre bonheur était total une fois face à ce tableau. 

Le corps m’a semblé occuper une place importante dans votre film, qu’il s’agisse d’un humour « physique », de la distanciation, du réalisme, de l’émotion… Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont vous avez souhaité filmer et utiliser le corps pour raconter cette histoire ?

Le corps est le point de départ dans ma façon de travailler en tant qu’actrice et ma façon d’accéder à une compréhension des autres. J’ai aussi commencé par la danse et j’appréhende toujours la fiction par le corps. Pour Olla, il me semblait nécessaire d’approcher ce personnage par sa logique qui est intensément intuitive et animale. Il était fondamental de comprendre qu’il nous faut lire ses actions de façon physique plutôt que psychologique. Marcher, dormir, manger, danser, se masturber sont des actions qui nous donnent des niveaux de lecture profonds du personnage.

Quelles questions vous êtes-vous posées sur le traitement formel d’une telle histoire ?

Je savais dès le départ que je ne voulais pas tourner un drame social. Le thème aurait pu être interprété d’une façon absolument différente et je savais que je voulais laisser une place active aux spectateurs. Le désir de tourner en 16mm était aussi présent depuis l’écriture. Je crois profondément à la transformation qu’offre la pellicule et au cérémonial que cela impose sur un plateau, surtout sur une économie comme la nôtre. Je sais par expérience que cela transforme aussi la présence des acteurs. Les plans larges et les plans séquence étaient déjà présents à l’écriture. Ils offrent la distance nécessaire pour pouvoir suivre les déambulations physiques et psychologiques de Olla. Chaque espace dans lequel se trouvent les personnages devait être en dialogue direct avec eux. Le ton aussi devait servir un entre deux. Une façon d’être a cheval entre deux mondes. 

Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

Cela change souvent mais les cinéastes qui m’ont marquée profondément sont Robert Bresson et John Cassavetes. Pour Olla, Chantal Akerman,  Barbara Loden et Ulrich Seidl ont été des inspirations plus directes.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

J’étais membre du jury des courts métrages pour la Cinéfondation l’année dernière et y ai découvert de jeunes cinéastes vraiment talentueux comme Charles Williams ou Ori Aharon. Je pense que cette expérience m’a aussi donné la force d’aller au bout de mon désir de faire mon premier film.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 14 mai 2019. Un grand merci à Catherine Giraud.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

Partagez cet article