Critique : Les Éternels

En 2001, la jeune Qiao est amoureuse de Bin, petit chef de la pègre locale de Datong.
Alors que Bin est attaqué par une bande rivale, Qiao prend sa défense et tire plusieurs coups de feu. Elle est condamnée à cinq ans de prison.
A sa sortie, Qiao part à la recherche de Bin et tente de renouer avec lui. Mais il refuse de la suivre.
Dix ans plus tard, à Datong, Qiao est célibataire, elle a réussi sa vie en restant fidèle aux valeurs de la pègre.
Bin, usé par les épreuves, revient pour retrouver Qiao, la seule personne qu’il ait jamais aimée…

Les Éternels
Chine, 2018
De Jia Zhang-Ke

Durée : 2h15

Sortie : 27/02/2019

Note :

LES CENDRES DU TEMPS

« Les affaires marchent mais le monde change ». La Chine du tournant du 21e siècle semble tenir entièrement dans cette réplique des Éternels, neuvième long métrage de fiction du Chinois Jia Zhang-Ke. Le film débute en 2001 et va en différents segments avaler les années comme on enchaine les pas de danse dans un cha-cha-cha de salon. Encore une fois, c’est l’individu face aux mutations sociétales géantes que le réalisateur observe dans son très ambitieux nouveau long métrage.

C’est l’histoire d’un pays, c’est aussi l’histoire d’une femme qui traverse ce début de siècle bille en tête. Les Éternels est moins dans le registre du mélodrame que son récent  Au-delà des montagnes ; il reste néanmoins une tension de romance dans ce film. Mais rapidement, Qiao traine son mec comme un boulet et c’est elle qui doit stopper les bagarres. C’est l’histoire d’une femme on l’a dit, c’est aussi l’histoire d’une actrice (la muse du cinéaste, la géniale Zhao Tao) qui traverse la filmographie du réalisateur. Une scène ici reproduit une autre de Still Life en un troublant effet de miroir, un costume est le décalque d’un autre dans Plaisirs inconnus et l’on repense aussi à The World.

Ces autocitations nous renvoient dans le passé et si le temps fuse dans Les Éternels, on se demande si le monde n’est pas en boucle – à l’image d’un dénouement qui ressemble à une possible porte de sortie mais aussi à une aliénante boucle sans fin. On ne sait guère si l’entreprise personnelle est un moyen d’émancipation ou s’il s’agit d’une prison. On construit et déconstruit dans un monde en cendres – la plus pure des cendres comme il est dit au détour d’une réplique. Les Éternels est parfois décousu mais, telle la pop cheesy chantée faux avec du larsen, ou cette manière de capter le tumultes des rues, il y a quelque chose qui vibre et qui déborde. Des fulgurances impressionnantes qui tonnent comme un coup de feu dans la nuit noire.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article