A voir en ligne | Critique : Cold War

Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.

Cold War
Pologne, 2018
De Pawel Pawlikowski

Durée : 1h27

Sortie : 24/10/2018

Note : 

A CHACUN SA GUERRE

Le succès immense de Ida (de ses 500.000 spectateurs en France à son Oscar du film en langue étrangère) a pu donner l’impression que le Polonais – alors méconnu – Pawel Pawlikowski était un nouveau venu. Ce n’est pas le cas, et certains de ses précédents films sont d’ailleurs sortis chez nous. Vu de l’extérieur, Cold War, avec son récit historique à nouveau en noir et blanc, pourrait être hâtivement jugé comme la petite sœur d’Ida. Le film est bien plus que ça : c’est l’oeuvre d’un réalisateur qui semble progresser de film en film – et Cold War est son meilleur long métrage à ce jour.

Cold War débute dans un décor assez pittoresque qu’il abandonne rapidement. On auditionne, on recherche des instruments de musique locaux, et pourtant le film tout entier va ensuite se tourner et s’ouvrir vers l’Europe et le reste du monde. Cold War s’installe très vite dans l’action et ne propose aucune caractérisation superflue. Ca n’empêche pourtant pas ses protagonistes, l’héroïne en tête, d’être entourés de légendes. Cette épure est le premier geste audacieux du film qui en compte d’autres. Cold War est construit de façon très singulère ; le film est constitué de mille ellipses qui donnent le sentiment de n’entrevoir que des fragments d’histoire. Est-ce que cela va installer une distance, va empêcher le mélo d’être réellement bouleversant ? Pawlikowski fait un pari narratif qu’il remporte au final haut la main.

En se concentrant sur les faits, en ne tergiversant pas, Cold War installe un souffle qui parcourt les années et le continent. En ouvrant des béances, le réalisateur nous laisse combler les trous, les absences, les attentes, les désillusions laissées hors de l’image. Le noir et blanc pourrait sembler un choix de confort pour un film historique, mais Cold War, intemporel, en détourne les codes. Comme il détourne les attentes du mélodrame sentimental, tout en parvenant à en être un.

Le film, beau à tomber, n’a pas volé son prix de la mise en scène à Cannes. Mais c’est sa poésie tragique qui rayonne avant tout : cette histoire d’amour qui semble toujours sur le point d’être parfaite, qui ne l’est jamais, et qui donne malgré tout l’impression d’avoir assisté à une grande histoire d’amour. Si l’amertume du film est émouvante, sa dimension romanesque est également très généreuse. A l’image de cette fin, absolument sublime, l’une des plus belles vues au cinéma cette année.


>>> Cold War est visible librement sur le replay d’Arte jusqu’au 22 novembre

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par Nicolas Bardot

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