Locarno 2019 | Critique : Cat in the Wall

Cat in the Wall raconte comment un chat coincé dans un mur affecte la vie de ses voisins: émigrés aspirant à une vie meilleure, fraudeurs et brexiteurs embourgeoisés.

Cat in the Wall
Bulgarie, 2019
De Mina Mileva & Vesela Kazakova

Durée : 1h32

Sortie : –

Note :

ENTRE CHIENS ET CHATS

Dans une récente interview, Mina Mileva, co-réalisatrice de Cat in the Wall, déclarait qu’ « en 20 ans de freelance en Angleterre, on ne m’a jamais demandé d’où je venais jusqu’à ce que débute la frénésie médiatique anti-migrants vers 2010 ». Cat in the Wall, en prenant pour prétexte une dispute entre voisins au sujet d’un chat, parle d’ici et maintenant, mais aussi d’une situation qui a enflé et pourri depuis des années. Où en sommes-nous au Royaume-Uni (et par extension en Europe) aujourd’hui ? Dans la même interview, Mileva ajoute : « même une satire ne serait pas aussi exagérée que les événements réels de ces derniers temps ». A l’opposé de la satire grotesque ou de l’exagération, les deux réalisatrices ont auparavant signé des documentaires (qui leur ont, à l’occasion, causé des soucis avec les autorités). Cat in the Wall, en compétition à Locarno, est leur première fiction.

Celle-ci se déroule dans un immeuble londonien, dans un coin où l’on peut croiser des renards fouiller dans les poubelles. Les premiers plans du film montrent des enfants réunis pour cuisiner n’importe comment dans un grand éclat de rires général. La cuisine entre adultes aura un autre goût. Mileva et Kazakova captent un climat délétère où des Britanniques racisés peuvent tenir des propos xénophobes envers des immigrés bulgares qui eux-mêmes peuvent mépriser la Polonaise qui n’aura pas nettoyé l’ascenseur comme convenu. Les protagonistes sont tous dans le même bateau qui coule, mais sont occupés voire encouragés à se manger entre eux, tous soumis à des décisions absurdes. Absurde comme le quotidien de l’héroïne, architecte qui doit faire serveuse pour survivre.

Le nœud du film est un adorable chat roux perdu puis retrouvé, objet d’une tension entre ses nouveaux et ses anciens maîtres. C’est une créature parfaitement mignonne, mais dans Cat in the Wall, c’est un ver qui est dans le fruit. Cat in the Wall décrit la violence de la gentrification à l’ombre du Brexit. Le propos du film est d’autant plus fort qu’il ne décrit pas ici le quotidien mélodramatique de marginaux ; il dépeint une haine et une violence qui peuvent balayer toute classe sociale dès lors qu’on ne parle pas des plus privilégiés. Le film parfois s’enferme en boucles, mais les acteurs, plus que la mise en scène volontairement retenue, installent une tension dans cette marmite bouillante qui menace d’exploser à tous les visages.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article