Festival Chéries-Chéris | Critique : Normal

Les mécanismes de construction et d’assimilation de genre dans la société italienne contemporaine, observés à travers un kaléidoscope de scènes de la vie quotidienne.

Normal
Italie, 2019
De Adele Tulli

Durée : 1h10

Sortie : –

Note :

TOUS LES GARÇONS ET LES FILLES

On ne trouvera aucune voix-off explicative dans Normal, le documentaire de l’Italienne Adele Tulli (lire notre entretien). Mais les images parlent suffisamment d’elles-mêmes. Normal est un montage illustrant les mille et un rituels assignés aux garçons et aux filles par la société. Des gestes aussi non-événementiels que percer les oreilles d’une fillette dont on questionne pourtant ici la « normalité ». La réalisatrice explique en interview que pour la question du genre, son pays, celui du « bunga-bunga », est comme un laboratoire. L’Italie sert certainement de loupe pour observer les rôles féminins et masculins figés à l’extrême, mais le film a une portée universelle assez évidente.

Des jouets pour faire le ménage contre des jeux en ligne hyperviolents. Des cris lors d’une séance de dédicace face à une idole créée de toute pièce contre un apprentissage du tir à la carabine en pleine nature. Du maquillage/peinturlurage pour fillette, du concours de Miss pour jeune femme et du stretching de maman en rose contre des courses de moto pour fiston et papa. Du coaching pour être la parfaite servante de son mari contre du coaching pour apprendre à être un bon mâle alpha. Danser sexy autour d’une voiture, ou la défoncer à coups de batte. Le monde ne vous semble pas si binaire ? Il l’est parfois/souvent pourtant bel et bien et ces enchainements absurdes font de Normal une comédie amère.

En creux, le long métrage illustre la toxicité de tels codes qui ne se limitent pas à de simples jeux d’enfants. Lorsqu’on se questionne, dans Normal, sur la façon dont on doit se comporter, la conclusion est systématiquement au détriment des femmes. « Le mâle doit toujours prendre l’initiative » nous explique un garçon fragile. L’interaction homme-femme semble totalement déglinguée et tous les lieux mixtes (une boum où l’on drague, une thérapie de couple, une séance de photos de mariage) sont filmés comme des cabinets de bizarrerie.

Plus le film avance, et moins le film semble parler strictement de l’opposition entre les rituels masculins et féminins. C’est plutôt d’un certain enfer hétérosexuel dont il est question, à travers le carcan imposé par le mariage, les traditions des rôles féminins et masculins, la façon dont on va éduquer son petit garçon ou sa petite fille… Ceci confirmé par la dernière séquence, la première mettant en scène un couple gay, et ce lors d’un moment symbolique : un mariage. Aspirent-ils au même enfer ou changeront-ils les codes ? La normalité sera t-elle un don ou une malédiction ?

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par Nicolas Bardot

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