A voir en ligne | Critique : Honeyland

Hatidze est une des dernières personnes à récolter le miel de manière traditionnelle, dans les montagnes désertiques de Macédoine. Sans aucune protection et avec passion, elle communie avec les abeilles. Elle prélève uniquement le miel nécessaire pour gagner modestement sa vie. Elle veille à toujours en laisser la moitié à ses abeilles, pour préserver le fragile équilibre entre l’Homme et la nature…

Honeyland
Macédoine du nord, 2019
De Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov

Durée : 1h25

Sortie : 16/09/2020

Note :

LE MIEL ET LES ABEILLES

Le documentaire Honeyland est auréolé d’un buzz en or depuis sa présentation (et son Grand Prix) au Festival de Sundance. Il n’y a pas de mauvais sujet, mais on se demande d’abord ce qui peut bien se cacher derrière cette histoire de « chasseuse d’abeilles » en Macédoine du nord, et ce qui peut transcender ces types de films qui, souvent de manière scolaire, « documentent » sur un mode de vie. C’est en partie ce que font les réalisateurs Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov (lire notre entretien) – mais avec panache. Honeyland est d’une grande ambition et d’une grande beauté formelles, une dimension esthétique qui régulièrement devient une dimension poétique.

On ne vous sortira pas pour autant les refrains pittoresques du charmant paradis perdu pour parler de la vie de l’héroïne Hatidze dont le quotidien reste brutal. Gueule et force de vie incroyables, la quinquagénaire vit avec sa mère borgne et mourante dans des conditions de dénuement extrême. Les conversations sont parfois lunaires et il règne comme un parfum de Grey Gardens dans ce territoire sauvage et fou comme coupé du temps et coupé du monde. La vie est dure et âpre mais il y a aussi de la douceur quand Hatidze prend soin de sa mère et lorsqu’elles s’échangent d’affectueux bisous.

Mais où sont les hommes ? C’est une question qu’on se pose un certain temps dans ce long métrage où les femmes crapahutent au sommet des montagnes (plans vertigineux et assez ahurissants) quand d’autres poussent des camions à mains nues. Un homme finalement apparaît, voisin, père de famille. Et avec lui, comme une métaphore globale passée à la loupe de ce micro-lieu, c’est tout l’équilibre écologique qui va être menacé. Le long métrage évite d’être sentencieux et il y a à vrai dire une dimension de comédie WTF, parfois de slapstick cruel quand les vaches donnent des pains et les pieds nickelés se retrouvent entourés d’un nuage d’abeilles en colère.

Mais il y a une tristesse aussi, saisie à travers un montage vif où les événements s’enchainent comme autant de catastrophes. Le spectacle est pathétique comme un veau mourant trainant par terre. La neige arrive, Hatidze espère le printemps. La nuit, lors d’une scène extraordinaire, elle chasse les esprits et les loups une torche à la main. Le long métrage embrasse sa stature bigger than life tout en filmant le monde le plus secret. Il raconte l’intime dont la portée est plus universelle qu’on ne l’imaginait. Voyez ce film dès que vous le pourrez !


>> Honeyland est disponible en vod sur UniversCiné

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article