Clap de fin sur cette édition de la Berlinale ! Vous avez pu la suivre quotidiennement sur Le Polyester. Quels ont été les temps forts et les tendances de cette année ? Voici notre bilan complet et notre maxi-couverture composée de près de 90 articles.
La 71e édition de la Berlinale s’est achevée ce vendredi… du moins pour l’instant. En attendant le grand événement qui rassemblera public et stars dans la capitale allemande au mois de juin, tous les films sélectionnés viennent d’être montrés en ligne à la presse et aux professionnels durant une édition particulièrement courte (5 jours pas plus!) mais riche en talents et découvertes. Un opus rassasiant, au terme duquel un jury paritaire, composés d’anciens lauréats berlinois, a attribué l’Ours d’or au film le plus joyeusement choquant de cette édition : le roumain Bad Luck Banging or Loony Porn.
Première édition des nouveaux directeurs Mariette Rissenbeek et Carlo Chatrian, le cru 2020 de la Berlinale avait été le tout dernier festival majeur de cinéma à avoir lieu normalement (le dernier jour du festival, le premier cas de Covid-19 était déclaré en Allemagne). Si la grande qualité de leur travail a bien été saluée, le contexte sanitaire a freiné ou modifié la carrière de plusieurs films sélectionnés l’an passé, à commencer par l’Ours d’or (Le Diable n’existe pas) qui n’est toujours pas sorti chez nous. C’est comme s’il avait manqué un dernier coup de marteau pour enfoncer aux yeux de tous le clou de leur éclatante réussite. Même si depuis, d’autres festivals ont eu lieu en ligne (vous avez pu suivre Toronto ou Rotterdam sur Le Polyester, par exemple), la première partie de cette édition 2021 représentait un nouveau défi de taille pour cette nouvelle équipe. Ils s’en sont sortis haut la main : cette édition 2021 nous a fait écarquiller les yeux et nous a rivés sur nos canapés.
Avantage paradoxal de cette édition en ligne, nous avons pu voir encore plus de films et conduire plus d’interviews que d’habitude. Merci aux attaché.e.s de presse, également contraint.e.s de s’adapter à ces nouvelles règles, de nous avoir facilité l’accès à leurs films. Nous sommes encore en plein rattrapage mais au total, nous avons déjà pu voir 60 longs métrages, dont l’intégralité de la Compétition et de la nouvelle section de Carlo Chatrian, Encounters (tellement bonne que le jury a décidé d’y récompenser 5 films au lieu de 3 !). Intégrale dont il faut soustraire les 4 films absents de la plateforme pour des questions de droits, ou géo-bloqués pour la France. Entre une Compétition éclectique (Une romcom de science-fiction ! Des scènes de sexe non-simulées ! Un doc de plus de 3 heures !) et des sections parallèles toujours aussi généreuses, il y avait plein d’excellents films à Berlin. Ça tombe bien : l’Ours d’or est allé au tout meilleur d’entre eux, le plus fou et le plus gonflé.
Ce troisième Ours d’or roumain en huit ans (après Mère et fils en 2013 et Touch Me Not en 2018), vient couronner la carrière d’un des cinéastes européens les plus inclassables et excitants. Déjà primé à Berlin en 2015 (Prix de la mise en scène pour Aférim !), Radu Jude est un cinéaste capable de réaliser des farces à se taper sur les cuisses comme des documentaires glaçants d’intransigeance. Bad Luck Banging or Loony Porn est d’ailleurs les deux à la fois. Son œuvre imprévisible change de registre à chaque film pour mieux disséquer les coutures apparentes de l’identité, l’histoire et la mauvaise conscience de son pays. Voir ce film, c’était recevoir en pleine face le plaisir jubilatoire d’être choqué. Le retrouver sur la plus haute marche du palmarès nous a rappelé les décharges ressenties devant les inclassables Synonymes et Touch Me Not, deux films cinglés et gonflés devenus Ours d’or alors qu’ils n’auraient peut-être même pas été sélectionnés dans d’autres grands festivals. C’est ça, la Berlinale.
Tourné selon les règles de la distanciation sociale, Bad Luck Banging… ne fut pas le seul film de cette édition a faire l’écho de la situation sanitaire. Elle était très concrètement à l’écran dans le film de Denis Coté et (avec plus de fluidité) dans la comédie Language Lessons, tournée intégralement par application de chat vidéo. Mais au plaisir de reconnaitre nos situations ultra-contemporaines , nous avons encore préféré la joie d’être outré. Privés des interactions, échanges professionnels et récréations habituelles du festival allemand, seuls devant nos écrans, ces décharges sont devenues encore plus précieuses. Or, des plaisirs impolis, on en a ressenti plein. On a été saisi par l’audace bravache et le mauvais goût assumé du giallo féministe The Scary of Sixty-First. Est-ce parce que nos écrans d’ordinateurs sont plus proches de nos visages que ceux d’une salle de cinéma ? Mêmes des œuvres plus sérieuses en apparences (The Girl and The Spider, Tzarevna Scaling, le court Les Attendants…) sont venues nous faire de l’œil et nous ont mis le rose au joues. Le meilleur des cadeaux.
Un grand nombre de nos autres films coups de cœur ont partagé comme qualité celle de ressembler à des secrets. Ce fut le cas de nombreuses œuvres documentaires telles Nous ou A River Runs, Turns, Erases, Replaces. Le docs étaient d’ailleurs nombreux à briller cette année à Berlin, nous donnant à voir des images inédites, rapportées en direct même du cœur de certaines révolution (Courage, As I Want). Le goût du merveilleux chuchoté à notre oreille, on l’a retrouvé avec un grand plaisir chez les maîtres asiatiques (Hong Sangsoo, Ryusuke Hamaguchi, Anocha Suwichakornpong…) ainsi que dans les deux absents les plus étonnants d’un palmarès sinon sans accroc : la splendide fable géorgienne What Do We Do When We Look at The Sky ?, et le Français magique Petite Maman. Cette année à Berlin, les cris fous ont côtoyé les murmures délicats. Tous ont ouvert les portes de l’imagination, tous nous ont généreusement offert leurs portes de sortie.
NOS CRITIQUES
Compétition
Bad Luck Banging or Loony Porn, de Radu Jude (Roumanie)
Ballad of a White Cow, de Behtash Sanaeeha et Maryam Moghaddam (Iran)
Forest – I See You Everywhere, de Bence Fliegauf (Hongrie)
I’m Your Man, de Maria Schrader (Allemagne)
Introduction, de Hong Sangsoo (Corée du sud)
Memory Box, de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (Liban)
Mr Bachmann and His Class, de Maria Speth (Allemagne)
Natural Light, de Dénes Nagy (Hongrie)
Petite Maman, de Céline Sciamma (France)
Una Película de Policías (A Cop Movie), d’Alonso Ruizpalacios (Mexique)
What Do We See When We Look at the Sky ?, d’Alexandre Koberidze (Georgie)
Wheel of Fortune and Fantasy, de Ryusuke Hamaguchi (Japon)
- Albatros (géobloqué en France), Fabian – Going to the Dogs et Next Door (bloqués mondialement) n’étaient – officiellement – pas visibles en ligne
Section Berlinale Special
Courage, d’Aliaksei Paluyan (Allemagne)
Language Lessons, de Natalie Morales (Etats-Unis)
Tina, de Dan Lindsay et T. J. Martin (Etats-Unis)
Section Encounters
As I Want, de Samaher Alqadi (Egypte)
Azor, d’Andreas Fontana (Suisse)
Bloodsuckers, de Julian Radlmaier (Allemagne)
The Girl and the Spider, de Ramon Zürcher et Silvan Zürcher (Suisse)
Hygiène sociale, de Denis Côté (Canada)
Moon, 66 Questions, de Jacqueline Lentzou (Grèce)
Nous, d’Alice Diop (France)
The Scary of Sixty-First, de Dasha Nekrasova (Etats-Unis)
Taste, de Lê Bảo (Vietnam)
Section Panorama
A Balance, de Yujiro Harumoto (Japon)
All Eyes Off Me, d’Hadas Ben Aroya (Israël)
Brother’s Keeper, de Ferit Karahan (Turquie)
Celts, de Milica Tomović (Serbie)
Censor, de Prano Bailey-Bond (Royaume-Uni)
Copilot, d’Anne Zohra Berrached (Allemagne)
Human Factors, de Ronny Trocker (Allemagne)
Le monde après nous, de Louda Ben Salah-Cazanas (France)
Section Forum
A pas aveugles, de Christophe Cognet (France)
A River Runs, Turns, Erases, Replaces, de Shengze Zhu (Chine)
Ancient Soul, de Alvaro Gurrea (Espagne)
Come Here, d’Anocha Suwichakornpong (Thaïlande)
Garderie nocturne, de Moumouni Sanou (Burkina Faso)
No táxi do Jack (Jack’s Ride), de Susana Nobre (Portugal)
Tzarevna Scaling, d’Uldus Bakhtiozina (Russie)
Section Generation
Beans, de Tracey Deer (Canada)
Cryptozoo, de Dash Shaw (Etats-Unis)
Fighter, de Jéro Yun (Corée du Sud)
From the Wild Sea, de Robin Petré (Danemark)
La Mif, de Fred Baillif (Suisse)
Last Days at Sea, de Venice Atienza (Philippines)
Ninjababy, d’Yngvild Sve Flikke (Norvège)
Short Vacation, de Kwon Min-pyo & Seo Hansol (Corée du Sud)
Semaine de la critique
Red Post on Esher Street, de Sono Sion (Japon)
(+ bientôt d’autres critiques à venir)
NOS INTERVIEWS
• « On fait souvent semblant de croire que l’enfance n’est qu’une période mignonne où la fantaisie peut te sauver de tout, mais j’y vois beaucoup de mélancolie » | notre entretien avec Nicolas Keppens, réalisateur d’Easter Eggs (Berlinale Shorts)
• « Je ne voulais pas faire un film qui s’apitoie sur le sort des personnages » | notre entretien avec Louda Ben Salah-Cazanas, réalisateur de Le monde après nous (Panorama)
• « J’élabore un portrait de la culture russe contemporaine » | notre entretien avec Uldus Bakhtiozina, réalisatrice de Tzarevna Scaling (Forum)
• « Quelqu’un qui serait un peu hors de la vie pour mieux la comprendre » | notre entretien avec Susana Nobre, réalisatrice de No táxi do Jack (Forum)
• « L’imaginaire EST l’ingrédient le plus important de la vie réelle » | notre entretien avec Dash Shaw et Jane Samborski, réalisateur et animatrice de Cryptozoo (Generation)
• « La capture d’un temps et d’un espace qui appartiennent au passé et sur lesquels on ne peut plus revenir » | notre entretien avec Kwon Min-Pyo & Seo Hansol, réalisateurs de Short Vacation (Generation)
• « Faire ce film était devenu une responsabilité à la fois collective et personnelle » | notre entretien avec Tracey Deer, réalisatrice de Beans (Generation)
(+ bientôt d’autres entretiens à venir)
NOS NEWS
Le palmarès du festival
Le palmarès Generation + courts métrages
Le palmarès de la rédaction
La page du festival
Crédit portrait Carlo Chatrian / Mariette Rissenbeek : Alexander Janetzko
Gregory Coutaut
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