TIFF 2021 | Critique : Tina

Tina retrace les débuts de l’artiste comme ses grands succès des années 80, révèle ses luttes les plus intimes et ses moments les plus personnels.

Tina
États-Unis, 2021
De Daniel Lindsay & T.J. Martin

Durée : 1h58

Sortie : –

Note :

SHOW SOME RESPECT

Très vite dans Tina est évoqué l’entretien que Tina Turner a donné en 1981 au magazine People. A cette occasion, la star s’est confiée sur les violences dont elle a été victime pendant des années par Ike, son partenaire sur scène et mari dans la vie. Ce point de départ est l’occasion d’un large retour en arrière sur carrière, avant d’y revenir pile au centre du documentaire. Si l’on plie en deux le film des oscarisés Daniel Lindsay et T.J. Martin, le récit de cet entretien prend place au milieu du film, comme un tournant décisif dans la carrière de la chanteuse.

Ces tourments personnels prennent une large place dans le documentaire (qui s’appelle juste Tina, car la plupart des grandes stars n’ont pas besoin de nom de famille), et il est de toute façon impossible de démêler vie privée et vie publique dans le parcours de la chanteuse. Son bourreau est aussi celui qui l’a mise sur scène, qui lui a littéralement donné un nom. Et la réinvention d’elle-même – une étape classique des stars de la pop et du rock, mais menée ici de manière encore plus radicale – passe par une libération, ce moment où le nom de Tina n’est plus accolé à celui d’Ike.

On a souvent l’idée que la Tina Turner des années 80 est celle du come-back. Turner déjoue ce cliché : ce n’est pas une Tina qui renaît, mais qui naît tout court. La découverte spirituelle fait partie de cette arrivée au monde. Mais le film montre surtout finement, petit à petit, comment Turner trouve sa propre voix. Comment, aux côtés par exemple d’un Phil Spector, l’icône gagne la liberté de chanter comme elle veut. Tina, comme l’illustre le documentaire, a toujours été la lumière du duo, mais il raconte aussi l’ombre qui plane sur elle – et dont elle devra se débarrasser.

Tina est d’une facture indéniablement classique, mais aussi indéniablement efficace. Le film évite cela dit les pièges du documentaire à commentaires. S’il y a bien des intervenant.e.s pour venir chanter les louanges de la star, Tina ne se limite pas comme certains docs à une succession de personnes venant nous expliquer à quel point l’artiste dont on parle est extraordinaire. La masse folle d’archives auxquelles Daniel Lindsay et T.J. Martin ont eu accès le disent toutes seules. Ce sens du montage est un vrai sens narratif. Spectaculaire lorsqu’il s’agit d’images de concert. Bluffant quand ces images démontrent comment Tina a su s’approprier musicalement ce qu’on lui a proposé. Sensible lorsque la caméra se glisse dans les maisons vides d’hier, remplies de souvenirs et de fantômes.

Le film a valeur de témoignage sur l’emprise que Ike avait sur Tina, sur une époque où il n’était question ni de prise de parole, ni d’écoute. Il a valeur de témoignage sur une histoire personnelle qui aurait plusieurs fois pu vaciller, comme ces images d’archives prêtes à s’effacer. Mais c’est avant tout une exploration du talent sensationnel de la star. Oui, les passages hagiographiques sont là, mais on parle d’une légende – vous pourrez bien accepter ces moments obligés. C’est néanmoins via la musique que se développe la plus profonde intimité racontée par le film, entre Tina et son public. C’est un documentaire qui débute par Ask Me How I Feel, s’achève par une reprise (formidable) de Help – avec The Best en inévitable rappel et en définition parfaite.

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par Nicolas Bardot

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