Festival du Film Coréen | Critique : Short Vacation

Quatre jeunes filles étudient toutes dans la même classe et font partie du même club de photo. Avant les vacances d’été, leur professeur leur distribue à chacune un appareil photo analogique à l’ancienne. Avec leur appareil, les filles vont devoir prendre des photos dont le thème est : « la fin du monde ». Que signifie la fin du monde ? De quoi sont-elles censées prendre des photos ? Elles ont toutes les quatre des opinions différentes à ce sujet…

Short Vacation
Corée du Sud, 2020
De Kwon Min-Pyo & Seo Hansol

Durée : 1h19

Sortie : –

Note :

LE MONDE NE SUFFIT PAS

Rien ne ressemble moins à la fin du monde que les douces journées que passent les quatre collégiennes héroïnes de Short Vacation. Or, c’est le thème du devoir que leur donne leur professeur de photographie. Pourtant, la fin du monde « ça n’existe même pas », dit l’une d’entre elles en haussant les épaules, alors comment la prendre en photo ? Autour d’elles, le temps passe avec fraicheur et exaltation, dans une sorte de douce nonchalance. Si elles font sagement leurs devoirs, le respect qu’elles vouent au monde des adultes et des profs confine à une innocente indifférence. La vie vient à peine de commencer pour elles, alors en imaginer la fin leur apparait moins comme un passionnant mystère que comme une abstraction un peu barbante. Or ce très beau premier film, réalisé à quatre mains (lire notre entretien), est tout sauf abstrait et barbant.

Poussées par leur bonne volonté et par l’excitante promesse d’un moment d’école buissonnière, voilà ces quatre jeunes filles parties à la recherche de la fin du monde. Qu’est ce que ça peut-être ? L’endroit où les rails s’arrêtent ? Mais si celles-ci ne s’arrêtent finalement pas, jusqu’où faut-il continuer à les suivre ? Il y a dans ce groupe de préados une maladresse burlesque particulièrement attachante. Malgré leurs bonnes notes, elles sont presque incapables de mettre des lentilles sans les faire tomber, de lire un plan de métro, ou de se servir de ces appareils photos jetables que leur a donnés leur prof. Parties pour un road-movie de poche, leur trajet piéton prend donc un itinéraire bis inattendu, s’éloignant de la ville et ses repères pour des coins de campagne charmants et presque déserts, où les héroïnes se retrouvent seules. Leur amitié est telle que le monde peut bien s’écrouler autour d’elles, mais qui dit que ce n’est pas déjà le cas ? La fin du monde aurait-elle déjà eu lieu sans qu’elles ne s’en aperçoivent?

A intervalles réguliers, le film a la bonne idée d’inclure à l’écran les photos prises par les héroïnes au fil de leur recherche. D’abord ratées (trop sombre, avec le pouce devant l’objectif), celles-ci révèlent progressivement de plus en plus de détails, et donne un relief poignant à ce mini-récit d’apprentissage. Ce procédé rappelle le cinéma de Nawapol Thamrongrattanarit (Happy Old Year, Die Tomorrow, 36). Short vacation partage avec le cinéaste thaïlandais une grande finesse d’écriture mais surtout un art très émouvant de varier des échelles, allant des détails triviaux mais bouleversants du quotidien jusqu’au gigantisme d’un monde qui continue ou non de tourner. Les héroïnes de Short Vacation sont-elles seules au monde, ou bien au contraire le monde leur appartient-il ? A la fois doux-amer et d’une bienveillance en or, ce film donne chair comme rarement à ce sentiment particulier de l’adolescence : un vertigineux élan vers le monde.

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par Gregory Coutaut

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