Carrefour du cinéma d’animation | Critique : Cryptozoo

Californie, à l’aube des 1970. Alors que les jeunes de la nation pratiquent l’amour libre et protestent contre l’establishment et la guerre du Vietnam, une autre sorte de lutte se joue sous Terre. La vétérinaire Lauren Grey traque des créatures fantastiques, et vient à leur secours en les accueillant dans son Cryptozoo. Hélas, l’armée complote pour mettre la main sur le plus grand cryptide de tous, la chimère baku qui dévore les rêves, afin d’exploiter sa puissance et détruire les rêves de la culture alternative en plein essor.

Cryptozoo
États-Unis, 2021
De Dash Shaw

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

SUBLIMES CRÉATURES

Avec le jubilatoire My Entire High School Sinking Into the Sea, son premier long métrage réalisé en 2016, l’Américain Dash Shaw (lire notre entretien) a pu montrer qu’en plus d’être un extraordinaire auteur de bandes dessinées, il était aussi un cinéaste très doué. Cryptozoo confirme le talent à part de cet artiste qui sait flouter les frontières entre le roman graphique et le cinéma. Comme My Entire High School, Cryptozoo a ce style d’animation que Shaw décrit lui-même comme « limité » et dont l’effet visuel produit renvoie davantage à la bande dessinée qu’à un cinéma d’animation plus conventionnel. Mais il n’y a pourtant aucun doute que le dynamisme spectaculaire de ses films exploite pleinement et jusqu’à la dernière goutte le potentiel offert par le cinéma.

Si My Entire High School se situait au carrefour du film catastrophe et de la college comedy, Cryptozoo tient davantage du film d’aventures mêlé à la science-fiction. Il est question ici de créatures mythologiques soignées dans un zoo mais sur lesquelles l’armée veut mettre la main. Dash Shaw raconte une utopie, son échec et l’espoir qu’elle génère. « Les utopies ne fonctionnent jamais » entend-on dans Cryptozoo mais cela n’empêche pas de rêver. On rêve dans le film d’une « société parfaite » et d’ailleurs, dit-on, « sans rêves il n’y a pas de futur ».

Cette dimension rêveuse est embrassée par Shaw et son film d’une formidable inventivité formelle. La composition des cadres comme l’utilisation des couleurs semblent avant tout dictées par les émotions et la poésie, plus que par une volonté de narration classique. Les superpositions d’images à échelles différentes racontent le plus fidèlement possible l’effervescence de l’action et le feu qui anime les protagonistes. Chez Dash Shaw, l’extraordinaire est la meilleure façon de parler de l’ordinaire, et le surréel est une porte sûre vers le réel.

Cryptozoo prend la forme assez évidente d’une métaphore politique : sur les réfugiés, sur les marginaux – on y voit même littéralement des enfants en cage. L’œuvre entière de Shaw appartient à une contre-culture intrinsèquement politique, même si l’on parle ici de créature fabuleuse. Mais on est dans un conte avant tout, on peut y suivre un chat pour voir vers quels mystères il se précipite. C’est un conte d’un psychédélisme doux, à l’imaginaire extravagant, sous la nuit la plus étoilée. Et c’est une vraie merveille dont on ressort enivré.

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par Nicolas Bardot

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