Festival Un état du monde | Critique : Courage

Maryna, Pavel et Denis font partie d’une troupe de théâtre clandestine à Minsk. Suite aux élections présidentielles de 2020, ils participent aux manifestions pacifiques qui rassemblent des milliers de personne. Ce qui les unit, c’est l’espoir de la liberté d’expression et de la démocratie.

 

Courage
Biélorussie, 2021
De Aliaksei Paluyan

Sortie : –

Durée : 1h30

Note :

EN PREMIÈRES LIGNES

Tout premier film biélorusse sélectionné à la Berlinale, le documentaire Courage raconte tout d’abord la vie quotidienne des membres du “Belarus Free Theatre”, une troupe de théâtre clandestine de Minsk. Tous ou presque ont pour point commun d’avoir été rejetés et blacklistés de l’industrie nationale du cinéma, d’avoir subi des arrestations et des menaces, voire d’avoir été accusé de satanisme par les autorités. Guidés dans leurs répétitions par un metteur en scène exilé à l’étranger (et qui les dirige donc par Skype), ils mettent en scènes les grimaces et les sourires forcés du régime dictatorial de Loukachenko, mais aussi ses pratiques de la torture, car « l’heure n’est plus à dire les choses à demi-mots ».

L’heure en question c’est celle des élections de 2020 et du soulèvement populaire qui leur a succédé : des manifestations pacifistes mais durement réprimandées, rassemblant des foules d’une taille si colossale qu’on dirait que c’est toute une capitale qui est descendue dans la rue, le poing levé avec fierté et détermination. Ces manifestations pleines d’un espoir brûlant et contagieux, les protagonistes de Courage y participent activement, de même que le réalisateur du film, Aliaksei Paluyan (dont c’est le tout premier long métrage, lire notre entretien).

Paluyan donne ici à voir de très nombreuses images de liesse, de courage mais aussi de peur collective dont l’échelle donne le vertige. Quasiment tournées en vue subjective, ces images nous donnent à vivre la révolution de l’intérieur, sans artifice nécessaire. La libération des jeunes manifestants à leur sortie de prison fait sans doute partie des séquences les plus émouvantes vues cette année à Berlin. Combien de films peuvent se vanter de présenter des images aussi intrinsèquement puissantes, en particulier en provenance d’un pays dont quasiment aucune image ne nous parvient ?

Le cinéaste et ses protagonistes partagent en filigrane une autre interrogation. Comment représenter un événement historique au moment-même où il se déroule ? Quelle part de mise en scène peut-on se permettre et doit-on assumer ? Le réalisateur fait le choix de la retransmission presque en direct, tandis que les comédiens sont contraint de poursuivre les répétitions avec la possibilité d’être arrêtés, conduit à la frontière ou tués à tout moment. Dans cet état d’urgence, la question de la bonne distance à trouver ne donne qu’un casse-tête en guise de réponse, alors que des images d’archives viennent nous rappeler que cette dictature-là dure depuis 26 ans, soit une vie entière pour certains. Le courage que nous montre le film n’est donc pas uniquement propre à ces militants de la liberté d’expression, il est une qualité collective et irréductible.

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par Gregory Coutaut

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