Festival de Rotterdam | Entretien avec Anocha Suwichakornpong & Ben Rivers

La Thaïlandaise Anocha Suwichakornpong et le Britannique Ben Rivers se sont tous les deux distingués ces dernières années avec des films à la fois radicaux et poétiques. Ils collaborent pour la première fois sur Krabi, 2562, qui se déroule dans une province touristique de Thaïlande. Et ce qui ressemble à du cinéma expérimental (une réflexion sur le temps qui évite les cadres narratifs conventionnels) se révèle aussi étonnamment accessible grâce à la sensibilité et l’émotion qui se dégagent de leur mise en scène. C’était l’un des petits trésors du dernier Festival de Locarno ; le film est désormais diffusé cette semaine à Rotterdam. Nous avons rencontré les deux cinéastes…


Quel a été le point de départ de Krabi, 2562 ?

Ben Rivers : J’ai été invité à participer à la Biennale d’art contemporain de Thaïlande et j’ai rapidement voulu collaborer avec Anocha. Non seulement parce qu’elle est Thaïlandaise mais aussi parce c’est une amie et c’est quelqu’un dont j’aime beaucoup le travail. Nous sommes allés à Krabi pour faire une visite sur place, parce que c’est là que la Biennale allait avoir lieu, et c’est à ce moment-là que nous avons commencé à construire nos idées autour du film. Nous avons commencé par faire un court métrage pour l’exposition intitulée Les Ambassadeurs. En rencontrant des gens et en faisant des recherches dans la région, nous avons rapidement décidé que nous voulions aussi faire un long métrage. L’idée de co-réaliser un film nous a également séduits tous les deux. Nous y avons vu une occasion de sortir un peu de notre zone de confort, en apprenant l’un de l’autre.

Le décor joue un rôle crucial dans le récit de Krabi, 2562. Qu’est-ce qui vous a séduit dans la province de Krabi et comment avez-vous choisi les différents lieux qu’on voit dans le film : le cinéma, la grotte, la maison de ce vieil homme etc ?

Anocha Suwichakornpong : Le choix de Krabi comme principal lieu de tournage a été d’une manière fait pour nous ; c’est à travers nos enquêtes, avec l’aide d’une très grande coordinatrice locale qui travaillait pour la Biennale de Thaïlande (et qui nous a en partie inspiré un personnage dans le film), que nous avons trouvé les lieux et les gens que nous voulions inclure dans le film. Par exemple, la guide voulait nous montrer un très beau lac, puis nous y montrer une vieille maison afin qu’on découvre son propriétaire, et c’est ainsi que nous avons rencontré le vieux boxeur.

Un autre exemple comme vous l’avez mentionné concerne le cinéma abandonné – nous avons pensé que cela pourrait être un bon lieu pour notre film – on a obtenu la permission de le voir, et le projectionniste à la retraite l’a ouvert pour nous. Nous aimions vraiment ce cinéma, qui nous a offert cette image d’oiseaux volants dans la salle vide. C’est donc à travers ces rencontres un peu fortuites que nous avons commencé à construire les différentes composantes du film, et que nous avons ensuite trouvé des moyens de naviguer et de les rassembler à travers la fiction.

Beaucoup des émotions du film viennent directement de son esthétique, de sa chaleur, ses couleurs et sa douceur. Comment avez-vous travaillé ensemble pour transmettre ces émotions visuellement ?

Ben : C’est la première fois que je travaille avec un autre directeur de la photographie, après avoir tourné tous mes films moi-même auparavant. Ce fut un processus vraiment intéressant de discuter avec Anocha et Kai (Ming-Kai Leung, co-directeur de la photographie, ndlr) au sujet du look du film. C’était une décision précoce d’utiliser beaucoup de positions fixes avec la caméra, avec peu de mouvement – et d’essayer de capturer les couleurs et la lumière de cet endroit.

Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

Ben : Il y en a peut-être trop pour tous les citer, mais avant de débuter le tournage de Krabi, 2562, j’ai beaucoup pensé au Collectif Ogawa.

Anocha : Ma liste change constamment, mais aujourd’hui ma réponse serait Lucrecia Martel.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

Ben : Récemment, quand j’ai vu les films d’Alain Guiraudie.

Anocha : Il y a quelques mois, lorsque j’ai vu un court métrage intitulé Blessed Land d’un jeune réalisateur vietnamien nommé Pham Ngoc Lan.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 20 août 2019. Un grand merci à Gloria Zerbinati. Crédit portrait : Marco Abram.

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