Festival Kinotayo | Critique : A Balance

Réalisatrice de documentaires, Yuko dépeint une situation violente survenue il y a trois ans dans une école. Des suicides ont eu lieu. Yuko découvre peu à peu une vérité secrète…

A Balance
Japon, 2020
De Yujiro Harumoto

Durée : 2h33

Sortie : –

Note :

UNE VÉRITÉ QUI DÉRANGE

La sérieuse Yuko a la tête sur les épaules et de l’ambition à revendre. La preuve: elle a même deux jobs. Le jour, elle réalise des reportages pour la télévision, et le soir venu elle rejoint son père dans son école privée pour donner des cours de rattrapage à des lycéens. Transmettre et enseigner, un programme téméraire qui répond à une même passion en elle : le respect de la vérité. Mais diffuser la réalité est bien plus complexe que d’appuyer sur le bouton marche d’une caméra. Dans une scène, Yuko doit négocier avec son équipe de télévision (entièrement masculine) qui mégote sur le moindre qualificatif. Plus tard, elle se retrouve en pleine interview à devoir parler à un mur, au sens propre.

Yuko enquête sur une affaire de harcèlement scolaire qui a poussé au suicide une élève et son professeur. Alors que son investigation révèle et réveille d’autres situations d’abus, elle se retrouve confrontée aux limites de son engagement. Dans une société japonaise où la parole semble perpétuellement entravée, une société « qui ne pardonne pas aussi rapidement que la loi », dévoiler une vérité qui dérange est presque une tâche herculéenne. Alors même qu’elle souhaite ne jamais prendre parti, elle doit marchander avec ceux qui détiennent la vérité, marchander avec le réel. L’équilibre annoncé par le titre international du film, c’est à la fois l’objectivité idéale après elle laquelle court, mais aussi l’ambiguïté de sa position. « Faire ce qui est le plus juste moralement, ce n’est pas toujours la meilleure solution », affirme-t-elle avec une conviction un peu forcée.

Dans A Balance, la caméra est presque invisible, comme si elle voulait elle aussi capter le réel plutôt que de le mettre en scène à outrance. Or derrière ces apparences faussement placides, le film se remplit d’une tension glaciale. Tel un clin d’œil inquiétant, le film débute d’ailleurs par le plan de quelqu’un qui regarde sa montre, comme si un angoissant compte à rebours venait d’être lancé sans qu’on s’en rende compte. Comme Yuko, la caméra ne baisse pas les yeux, ne détourne pas son regard. Les prises sont longues et pourtant riches en suspens et finalement intransigeantes dans leur façon de nous mettre en face d’un malaise contagieux. Un équilibre inattendu et particulièrement efficace.

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par Gregory Coutaut

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