Berlinale 2022 : notre bilan

Clap de fin sur cette 72e édition de la Berlinale ! Quels ont été les temps forts et les tendances de cette année ? Voici notre bilan complet et notre couverture composée pour l’instant de près de 70 articles.


Si l’excellente édition 2021 avait lieu intégralement en ligne en présentant un nombre d’œuvres réduit, le festival a pu cette année retrouver avec succès les rues de la capitale allemande grâce à une organisation sans compromis et une division en deux temps : six jours de projections réservés au public et six jours pour les journalistes. Si ces derniers étaient moins nombreux qu’à l’accoutumée en raison des circonstances sanitaires, ils ont été récompensés par une édition une fois de plus riche en excitantes découvertes.

« Qui va gagner l’Ours d’or? » était plus que jamais la question récurrente parmi les cinéphiles présents sur place. Cela était dû, d’une part, à l’imprévisibilité des goûts de M. Night Shyamalan qui était à la tête jury cette année. Ce choix de président inattendu (et donc intéressant) pour la Berlinale s’est révélé payant au moment d’un palmarès de très bonne tenue à quelques détails près. Cela tenait également au fait que la compétition était particulièrement ouverte, peut-être plus encore que les années précédentes. Carlo Chatrian et son équipe ont une fois de plus confirmé qu’ils étaient les fins héritiers du travail de leur prédécesseur Dieter Kosslick en faisant de la compétition non pas une cour des grands ou un syndicat de grands patrons mais un espace ouvert où les jeunes cinéastes côtoient les maîtres, où les réalisatrices ne sont pas oubliées (elles étaient 7 à concourir, elles sont 4 à avoir été primées), où les genres cinématographiques dialoguent, le tout dans une absence de hiérarchie en forme d’indispensable bouffée d’air frais. Plus que l’entrée sévère d’un club select pour happy few, la Berlinale est la plus invitante des portes ouvertes sur la diversité cinématographique.

Quatre ans après avoir remporté le prix du meilleur premier film ici même à Berlin en 2017 avec l’excellent Eté 93, la réalisatrice catalane Carla Simón  remporte l’Ours d’or avec Alcarràs, une chronique familiale à la fois pastorale et politique, écrite et mise en scène avec une finesse remarquable. Après Julia Ducournau à Cannes et Audrey Diwan à Venise, la médaille d’or du troisième grand festival européen revient donc à nouveau à une réalisatrice née dans les année 80 signant son second long métrage. Aux cotés de Simón, le jury de Shyamalan a choisi de récompenser la Mexicaine Natalia Lopez Gallardo, qui signe avec Robe of Gems son premier film, et l’Indonésienne Kamila Andini (Before, Now & Then), toutes deux de la même génération. Autre preuve des bienfaits de l’ouverture : souvent reléguée hors-compétition à Cannes, Claire Denis remporte de façon tout à fait méritée le prix de la mise en scène, soit le premier de sa carrière, à 74 ans.

Outre le film de Denis, la France était très présente dans les nombreuses sections du festival (avec entre autres les nouveaux films de Dupieux, Bonello et Guiraudie), même si Peter Von Kant, l’intelligent remake de Fassbinder par Ozon, ainsi que  nos deux favoris pour l’or (Les Passagers de la nuit côté longs, Histoire pour 2 trompettes coté courts) sont hélas repartis bredouille. Parmi les pays les plus remarqués pendant cette édition figure également la Suisse, doublement primée avec deux excellents films : A Piece of Sky en compétition (où figurait également au autre film helvète, La Ligne) et Unrest dans la section Encounters. Créée par Chatrian, cette section a une fois de plus proposé les découvertes les plus passionnantes de toute la sélection. On pourrait citer le glaçant Axiom et le potache Flux Gourmet, mais honnêtement, toute cette section fut remarquable. Avec la sélection des courts métrages, elle aussi d’un niveau exceptionnelle, ce fut le clou de cette édition. Le grand prix d’Encounters a été remporté par l’étonnant documentaire Mutzenbacher de l’Autrichienne Ruth Beckermann, et l’Autriche fut d’ailleurs l’autre pays star de cette édition. Citons entre autres l’incroyable court Dirndlschuld ou l’élégante production austro-argentine A Little Love Package. Quant à Ulrich Seidl, s’il n’a rien gagné en tant que réalisateur pour son excellent Rimini, l’audacieux Sonne, qu’il a produit, a remporté le prix du meilleur premier film.

Par une ironie du calendrier, l’édition 2022 de la Berlinale vient de s’achever alors que certains des tout meilleurs films sélectionnés l’an dernier trouvent enfin le chemin de nos écrans (ne manquez pas Introduction, Sous le ciel de Koutaïssi, Contes du hasard et autres fantaisies, Moon 66 Questions…). Or, sans attendre, l’un de nos plus grands coups de coeur de l’édition 2022 s’apprête à sortir également dans les salles français dans quelques jours : la fresque indienne Gangubai Kathiawadi. Ce film de divertissement en costumes, au discours politique et féministe contemporain, est un déluge de générosité et de grand spectacle. C’est une formule qu’on pourrait d’ailleurs utiliser pour décrire le travail de Chatrian et son équipe cette année. Avec une sélection allant de la comédie musicale au doc expérimental, de Hong Sangsoo à Dario Argento (tous deux en belle forme), la Berlinale a eu les yeux tournés à la fois vers le spectacle des grands écrans et vers le monde qui nous entoure.


NOS CRITIQUES

Compétition
A Piece of Sky, Michael Koch (Suisse/Allemagne)
A E I O U – A Quick Alphabet of Love, Nicolette Krebitz (Allemagne)
Alcarràs, Carla Simon (Espagne)
Avec amour et acharnement, Claire Denis (France)
Call Jane, Phyllis Nagy (Etats-Unis)
Everything Will Be Ok, Rithy Panh (Cambodge)
Leonora addio, Paolo Taviani (Italie)
La Ligne, Ursula Meier (Suisse)
Nana (Before, Now & Then), Kamila Andini (Indonésie)
The Novelist’s Film, Hong Sangsoo (Corée du sud)
Les Passagers de la nuit, Mikhaël Hers (France)
Peter von Kant, François Ozon (France)
Rabiye Kurnaz vs George W. Bush, Andreas Dresen (Allemagne)
Return to Dust, Li Ruijun (Chine)
Rimini, Ulrich Seidl (Autriche)
Robe of Gems, Natalia Lopez Gallardo (Mexique)
Un été comme ça, Denis Côté (Canada)
Un aňo, una noche, Isaki Lacuesta (Espagne)

Compétition courts métrages
Nos dix courts métrages préférés

Section Berlinale Spécial
À propos de Joan, Laurent Larivière (France)
Dark Glasses, Dario Argento (Italie)
Gangubai Kathiawadi, Sanjay Leela Bhansali (Inde)
Incroyable mais vrai, Quentin Dupieux (France)
Terminal norte, Lucrecia Martel (Argentine)

Section Encounters
A Little Love Package, Gaston Solnicki (Autriche/Argentine)
Axiom, Jöns Jönsson (Allemagne)
Brother in Every Inch, Alexander Zolotukhin (Russie)
Coma, Bertrand Bonello (France)
The Death of My Mother, Jessica Krummacher (Allemagne)
Flux Gourmet, Peter Strickland (Royaume-Uni)
Mutzenbacher, Ruth Beckermann (Autriche)
Queens of the Qing Dynasty, Ashley McKenzie (Canada)
Small, Slow but Steady, Sho Miyake (Japon)
Sonne, Kurdwin Ayub (Autriche)
Unrest, Cyril Schäublin (Suisse)

Section Panorama
The Apartment with Two Women, Kim Se-in (Corée du Sud)
Concerned Citizen, Idan Haguel (Israël)
Viens je t’emmène, Alain Guiraudie (France)

Section Forum
Memoryland, Kim Quy Bui (Vietnam)
Scala, Ananta Thitanat (Thaïlande) (Bientôt en ligne)
O trio em mi bemol, Rita Azevedo Gomes (Portugal)

Section Génération
Comedy Queen, Sanna Lenken (Suède)
Girl Picture, Alli Haapasalo (Finlande)

Section Semaine de la critique
Inu-Oh, Masaaki Yuasa (Japon)

(+ bientôt d’autres critiques à venir)


NOS ENTRETIENS

« On savait que c’était une année riche pour le cinéma français » | notre entretien avec Carlo Chatrian.

« J’avais envie de raconter cette histoire à la fois comme un documentaire, mais aussi comme un conte de fées ou une fable » | notre entretien avec Shô Miyake, réalisateur de Small, Slow But Steady (Section Encounters)

« Parler de l’intime et du réel, caché dans un monde imaginaire habité par des personnages métaphoriques, permet une grande liberté » | notre entretien avec Amandine Meyer, réalisatrice de Histoire pour 2 trompettes (Compétition courts métrages)

« Les analogies, les synchronicités et ce qu’elles nous font ressentir, cela rend le monde plus riche et complexe » | notre entretien avec Atsushi Wada, réalisateur de Bird in the Peninsula (Compétition courts métrages)

« Nous avons envisagé By Flávio comme un conte de fées contemporain et tordu » | notre entretien avec Pedro Cabeleira, réalisateur de By Flàvio (Compétition courts métrages)

(+ bientôt d’autres entretiens à venir)


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