Festival du Cinéma Allemand | Critique : Axiom

Julius est un jeune homme employé dans un musée. Un jour, il invite ses collègues à le rejoindre pour une excursion à voile sur le bateau de sa famille aristocratique. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu.

Axiom
Allemagne, 2022
De Jöns Jönsson

Durée : 1h48

Sortie : –

Note :

L’INVRAISEMBLABLE VÉRITÉ

Même lorsqu’il passe un scanner, Julius reste le genre de personne qui pense que son diagnostic est meilleur que celui du médecin. Julius sait un peu tout, mieux que tout le monde ; il a toujours une anecdote pour briller en société ou capter l’attention de ses camarades. Julius est maître absolu de sa narration, mais le jeune homme a souvent les sourcils froncés et il y a toujours une atmosphère de menace étrange autour de ses récits. « L’héritage d’une éducation aristocratique et autoritaire », dit-il au détour d’une dispute, avant que lui et ses collègues ne reprennent la route et passent à autre chose.

Le Suédois Jöns Jönsson, établi en Allemagne depuis une quinzaine d’années, signe un récit troublant dont le personnage principal est lui-même fascinant. Si Julius met en avant pas mal de ficelles psychologiques pour expliquer aux autres son attitude et ce qui le constitue, le film, lui, n’en utilise que très peu. C’est en cela qu’on pourrait rapprocher Axiom d’un autre récent long métrage post-École de Berlin, l’impressionnant Comme si de rien n’était de Eva Trobisch. Ils ont en commun une épure « allemande » dirons-nous, qui installe à la fois un pur réalisme mais aussi la vibration d’un vertige menaçant. Ni dans Axiom ni chez Trobisch il n’y a de glissement vers une tension fantastique (pourtant l’un des motifs récurrents de l’École de Berlin), mais les repères pour le protagoniste semblent malgré tout de plus en plus flous, même quand celui-ci est persuadé de tout maîtriser.

Sans véritablement mettre de mots dessus, Jönsson traite du déterminisme social et surtout d’une drôle de façon de le corriger. Le malaise s’installe lorsqu’en tant que spectateur on devient complice de Julius, qu’on remarque le non-dit et les doutes des interlocuteurs dans le cadre, que l’humiliation pend au bout du nez du personnage principal. Le scénario laisse de la place à l’ambigüité, en parvenant à être triste et inquiétant à la fois, en filmant les nombreuses mains tendues à un personnage pas facilement aimable. Il y a des règles de société, comme il y a des règles (raides) appliquées dans un musée lors de la première séquence du film. Julius, avec un panache culotté, dessine ses propres règles même si son geste semble désespéré.

Si le film nous montre Julius toujours entouré (par des collègues, son amie, sa famille, des inconnus), la qualité de mise en scène et d’écriture de Jöns Jönsson nous fait partager sa solitude vertigineuse. Qu’est-ce que la foi en ce que l’on croit, en ce que l’on dit, change dans nos vies ? Est-ce que, comme lorsqu’on examine une peinture de Mondrian, on peut trouver la vérité en allant vers l’abstraction ? Dans un décrochage assez fascinant, Jönsson filme une noisette qui tombe dans une rivière au cœur des bois. Celle-ci se laisse emporter par le courant, sans qu’on ne sache si c’est le risque encouru par Julius ou ce qu’on peut lui souhaiter. L’ambigüité règne jusqu’au dernier plan particulièrement gonflé de ce brillant long métrage.

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par Nicolas Bardot

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