Berlinale | Critique : Scala

Des ouvriers démontent un lustre, des fauteuils, un rideau. La réalisatrice filme la fermeture du Scala, le dernier des trois grands cinémas construits à Bangkok dans les années 60.

Scala
Thaïlande, 2022
De Ananta Thitanat

Durée : 1h05

Sortie : –

Note :

LA DERNIÈRE SÉANCE

C’est un fragile petit oiseau qu’on voit descendre les hautes marches d’un bâtiment au tout début de Scala. Sa présence paraît incongrue mais la salle de cinéma prestigieuse, ouverte 50 ans plus tôt, vit son crépuscule : des ouvriers se sont substitués aux spectateurs et des chats se prélassent ici ou là en regardant placidement les humains s’agiter. Plus rien n’est à sa place, tout doit disparaître. Le superbe lustre, les vieux fauteuils, le lourd rideau ; et il ne reste qu’une salle nue, comme si celle-ci avait été épluchée petit à petit – ainsi que le commente la cinéaste.

Il y a bientôt vingt ans, Tsai Ming-Liang racontait dans Goodbye Dragon Inn la fermeture d’une petite salle de quartier. C’est une fermeture à plus grande échelle ici avec cette salle qui autrefois comptait 1200 sièges et qui est le dernier des trois grands cinémas construits à Bangkok dans les années 60. C’est la fin d’un monde : une affiche de traine dans un coin et on ne la regarde même plus, une statue hideuse de Jar Jar Binks est calée dans un coin avant de finir à la poubelle. Tout ce qui était vénéré devient obsolète, et la cinéaste filme avec quelle facilité peut être détachée d’un mur une plaque vantant hier l’importance de ce lieu.

C’est un cinéma qu’on ferme, mais ce sont également des souvenirs familiaux que Ananta Thitanat exhume. On raconte en creux une réalité qui va au-delà de ce simple bâtiment : le poids de la crise économique, les prix d’un quartier que le cinéma ne peut plus suivre. Tandis que les ouvriers poursuivent leur travail de fourmi, on perçoit dehors le grondement de manifestations passant devant le cinéma. Thitanat saisit l’émouvante tristesse de lieux désolés. Et dans un dernier plan superbe, elle montre les lumières de la ville qui se reflètent sur un lieu désormais éteint.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article