Critique : Coma

Une adolescente a un pouvoir, celui de nous faire entrer dans ses rêves. Mais aussi dans ses cauchemars. Enfermée dans sa chambre, son seul rapport au monde extérieur est virtuel. Elle navigue entre fiction et réalité, guidée par une youtubeuse inquiétante et mystérieuse, Patricia Coma.

Coma
France, 2022
De Bertrand Bonello

Durée : 1h20

Sortie : 16/11/2022

Note :

JE ZAPPE ET JE MATE

Nous avions déjà comparé Zombi Child, le précédent long métrage de Bertrand Bonello, à un portrait déguisé de la psyché adolescente. Plus précisément, nous avions dit que le cinéaste faisait « de la parole de jeunes filles la porte d’entrée et de sortie d’un inconscient collectif macabre » et la formule pourrait aujourd’hui tout aussi bien s’appliquer à Coma. Les deux films partagent par ailleurs la même actrice principale, Louise Labeque. Celle-ci interprète ici la fille du réalisateur à qui le film est dédié. Dédié de façon très littérale puisque Coma s’ouvre par la lecture d’une lettre que Bonello lui adresse.

Les mots confinement ou Covid ne sont jamais prononcés dans le film, mais ce sont les circonstances sanitaires qui sont à l’origine de ce projet de poche, et ces dernières imprègnent tout le film d’un sentiment d’étrange claustrophobie, tellement ancré dans les premiers mois de confinement qu’il rend le film presque déjà daté. Coma est en effet tourné quasiment en intérieurs et paradoxalement, les quelques scènes filmées dans un forêt censée symboliser des limbes fantasmagoriques ne sont pas les plus réussies.

Par ailleurs, si le film possède un prestigieux casting de voix off (Gaspard Ulliel, Laetita Casta…), seuls deux personnages sont régulièrement présents à l’écran, et ce sans se rencontrer pour autant : la jeune héroïne et une mystérieuse youtubeuse nommée Patricia Coma. Ce minimalisme, Bonello le rééquilibre en mélangeant des sources d’images diverses. De discours de Deleuze en extraits de L’Enfer de Clouzot, Coma ressemble à un zapping né d’un désœuvrement confiné.

Elle-même enfermée dans une maison de poupées, l’héroïne imagine ses jouets réciter des dialogues de sitcom absurdes (un clin d’œil à la série Rabbits de Lynch?). Ces scènes à l’imagination inoffensive alternent avec d’autres où plane une paranoïa plus flagrante : les rues sont scrutées par des caméras de surveillance, et le moindre apéro zoom peut voir débarquer un tueur en série. La violence et le fantastique commencent à recouvrir toutes les sources d’images, comme si un désir de fiction et de drame venait tout contaminer. Coma a du mal à se départir d’un rythme lancinant qui n’aide pas toujours à avoir foi dans la direction que veut prendre Bonello. Le film possède néanmoins un feeling bien à lui, comme un étrange cauchemar numérique au ralenti.

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par Gregory Coutaut

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