Critique : La Beauté du geste

Keiko vit dans les faubourgs de Tokyo où elle s’entraîne avec acharnement à la boxe. Sourde, c’est avec son corps qu’elle s’exprime. Mais au moment où sa carrière prend son envol, elle décide de tout arrêter…

La Beauté du geste
Japon, 2022
De Shô Miyake

Durée : 1h39

Sortie : 30/08/2023

Note :

L’ÉTOFFE DES HÉROS

Le jeune Japonais Shô Miyake (lire notre entretien) est un touche-à-tout au parcours plutôt surprenant et éclectique, qui va du documentaire musical minimaliste The Cockpit au drame indé And Your Bird Can Sing en passant par la réalisation des épisodes de la récente série horrifique Ju-On. Son nouveau film, La Beauté du geste (qui a circulé en festivals sous le titre Small, Slow But Steady), se rapproche nettement de And Your Bird…, dans sa tonalité comme dans ses thématiques.

And Your Bird Can Sing est un récit d’apprentissage où, précisément, les jeunes protagonistes n’apprennent rien. Dans La Beauté du geste, Keiko est une jeune boxeuse mais la vie dans la salle de gym ou ailleurs n’est pas une succession de leçons. Dans And Your Bird, on se réfugiait dans la nuit, ses bars et ses karaokés. Ici, on se réfugie sur un ring de boxe – mais s’agit-il vraiment d’un refuge ? L’une des grandes qualités du long métrage de Miyake (adapté du récit autobiographique d’une boxeuse) est de nous épargner les milliers de clichés cinématographiques qui vont habituellement avec la boxe – pas d’admiration énamourée et de héros superbe ici.

Dans La Beauté du geste, il n’est pas question « de se battre sur le ring comme dans la vie », il n’est pas question de « dépassement de soi » ou d’autres slogans creux et performatifs. Il ne s’agit pas non plus d’une histoire de loser magnifique et de son folklore figé. Les choses ici sont plus amères : et si la boxeuse n’avait tout simplement plus envie de boxer ? Il n’y a pas d’élans de joie ou d’exaltation dans le long métrage. L’entraînement ressemble à la répétition mécanique d’une chorégraphie. On ne regarde plus vraiment : le découpage fait qu’on entend souvent les coups plus qu’on ne les voit. Tout le monde semble prêt à abandonner dans La Beauté du geste et c’est bien cette vulnérabilité-là qui rend le film émouvant.

C’est aussi le regard du cinéaste qui est poignant. Le film est d’une grande sobriété visuelle, mais son grain donne une vibration à l’image. Les petits matins peuvent avoir l’air sévère, les routines s’enchaînent, le film peut être muet  – autant d’endroits inattendus par lesquels entre une mélancolie tendre. « Parler, ça ne rend pas les gens moins seuls », entend-on dans le film. Par sa progression sensible mais jamais mélodramatique, le long métrage nous fait partager l’intimité de son héroïne admirablement incarnée par Yukino Kishii. Voilà un film d’une beauté tranquille et profonde.

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par Nicolas Bardot

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