On devrait pouvoir tout demander à une caméra. Une caméra peut être un outil archéologique, une machine à remonter le temps capable de ramener les défunts à la surface comme dans La Chimère ou Eternal Daughter. La caméra peut être une planche ouija susceptible de dilater temps et espace au point de transformer de paisibles logis en maisons hantées, au sens figuré dans l’étonnant diptyque Mal Viver/Viver mal, ou au sens propre dans le film d’horreur le plus clivant de l’année, The House. Une caméra peut être un portail vers un autre monde et offrir les voyages les plus stupéfiants, de Suzume à Earwig en passant par l’inédit Samsara ou le passage central animé de Beau is Afraid. Une caméra peut ouvrir la porte d’une autre dimension, même lorsqu’elle regarde à l’intérieur de nous-même (De humani corporis fabrica), à travers le strict anonymat des figurants (le vertigineux court Jill, Uncredited) ou vers notre passé commun, transformant des films historiques tels Désordres ou La Zone d’intérêt (en salles en janvier 2024) en fascinants rébus. Plus qu’un miroir qui se contenterait de simplement refléter notre réalité, la caméra est un miroir à traverser vers l’inconnu. Ses pouvoirs sont tels que l’on peut, comme dans Music, le film de l’année, se passer intégralement de dialogues.
TOP 2023 (films sortis en salles)
- Music, d’Angela Schanelec
- Suzume, de Makoto Shinkai
- N’attendez pas trop de la fin du monde, de Radu Jude
- Earwig, de Lucile Hadzihalilovic
- Tár, de Todd Field
- De humani corporis fabrica, de Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor
- Désordres, de Cyril Schäublin
- Eternal Daughter, de Joanna Hogg
- La Chimère, d’Alice Rohrwacher
- Mal viver / Viver mal, de João Canijo
+ Rotting in the Sun, de Sebastián Silva (en VOD)
TOP INÉDITS (films vus en festivals, sans date de sortie française pour l’instant)
- Samsara, de Loïs Patiño (Berlinale)
- La Imatge permanent, de Laura Ferrés (Locarno)
- Sobre todo de noche, de Víctor Iriarte (Venise)
- Eileen, de William Oldroyd (Sundance)
- Remembering Every Night, Yui Kiyohara (Berlinale)
- Essential Truths of the Lake, de Lav Diaz (Locarno)
- Snow in Midsummer, Chong Keat Aun (Venise)
- Life is Not a Competition, But I’m Winning, de Julia Fuhr Mann (Venise)
- Allensworth, de James Benning (Berlinale)
- Mami Wata, de C.J. ‘Fiery’ Obasi (Sundance)
TOP COURTS MÉTRAGES
- Jill, Uncredited, d’Anthony Ing (Berlinale)
- Daydreaming So Vividly About Our Spanish Holidays (La Herida luminosa), de Christian Avilés (Berlinale)
- As filhas do fogo, de Pedro Costa (Cannes)
- Sunshine State, de Steve McQueen (Rotterdam)
- Delivery Dancer’s Sphere, d’Ayoung Kim (Rotterdam)
- Aqueronte, de Manuel Muñoz Rivas (Rotterdam)
- Un genre de testament, de Stephen Vuillemin (Berlinale)
- Pado (The Waves), de Joung Yumi (Locarno)
- Passaro memoria, de Leonardo Martinelli (Locarno)
- The Miracle, de Nienke Deutz (Annecy)
Gregory Coutaut
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