Festival de Clermont-Ferrand | Entretien avec Nienke Deutz • The Miracle

La Néerlandaise Nienke Deutz s’était distinguée avec le magnifique Bloeistraat 11, qui a remporté le Cristal du meilleur court métrage au Festival d’Annecy en 2018. Elle est sélectionnée au Festival de Clermont-Ferrand avec son nouveau film, The Miracle, dans lequel une femme, Irma, passe quelque temps dans un village vacances où tout se doit d’être parfait. Mais ce lieu censé répondre à tous les désirs n’est-il pas un catalyseur de déceptions et frustrations ? La cinéaste mêle animation en 2D et stop-motion tout en utilisant à nouveau la technique de transparence qui faisait déjà merveille sur Bloeistraat 11. Le résultat traduit avec finesse la solitude de son héroïne, dépeinte avec un mélange émouvant de chaleur et d’amertume. Nienke Deutz nous en dit davantage sur son film.


Quel a été le point de départ de The Miracle ?

La grossesse et la maternité sont célébrées avec passion, mais en même temps, les émotions des femmes qui, pour une raison quelconque, n’ont pas d’enfant, semblent souvent étouffées et ignorées. Dans la culture pop, nous n’avons pas beaucoup d’exemples de femmes sans enfants. Je voulais dépeindre une femme sans enfant d’une manière nuancée, pour montrer les sentiments contradictoires qu’elle peut avoir.



L’histoire se déroule dans une station pour touristes. Tout est fait pour le confort des résidents, mais l’héroïne se sent toujours mal à l’aise. Que vouliez-vous transmettre à travers l’utilisation d’un tel cadre ?

Dans la vie quotidienne, on met beaucoup l’accent sur les couples ou les familles, surtout à partir d’un certain âge. La station touristique est une version extrême de cela ; cela se résume à quelques activités « amusantes » qui conviennent principalement aux personnes correspondant au moule. Ce lieu pourrait être lu comme un symbole, une version simplifiée de notre environnement quotidien. Irma est étrange et doit travailler dur pour trouver sa place.



Dans Bloeistraat 11, vous utilisiez déjà la transparence pour exprimer le sentiment de relations compliquées que l’on peut avoir avec son propre corps et sa présence. Pourriez-vous nous dire ce que vous vouliez transmettre à travers cette technique pour raconter l’histoire d’un personnage qui cette fois n’est pas une adolescente, mais une adulte ?

Même si sa production est difficile, j’adore cette technique. Elle donne une fluidité aux personnages ; leurs corps sont fragiles et transparents mais en jouant avec l’éclairage, ils peuvent devenir plus solides. Je voulais aussi utiliser la transparence de manière narrative, Irma voit les fœtus à l’intérieur du corps des femmes enceintes, et nous voyons Irma à l’intérieur du corps d’une femme enceinte. A-t-elle vraiment envie d’un enfant ou s’agit-il plutôt d’un désir d’appartenance et de se sentir en sécurité ?



Il y a un sentiment de solitude à travers le film, et pourtant vous utilisez des couleurs vibrantes dans votre animation. Pouvez-vous nous parler de cet équilibre particulier ?

J’aime les contrastes. Les couleurs vibrantes crient : amusez-vous, soyez chic, luxueux ! Mais les sentiments d’Irma sont beaucoup moins francs, ils sont nuancés, contradictoires et confus.



The Miracle peut-il être interprété comme une suite de Bloeistraat 11, suivant la même héroïne solitaire mais quelques années plus tard ?

J’adore cette question, et je dirais que les gens peuvent décider eux-mêmes.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot & Gregory Coutaut le 16 juin 2023. Un grand merci à Luce Grosjean.

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