Festival New Directors/New Films | Critique : La Imatge permanent

Dans un village rural du Sud de l’Espagne, Antonia devient mère à quinze ans et disparaît dans la nuit. 50 ans plus tard, Carmen, directrice de casting, bat le pavé pour trouver des candidats prêts à partager leurs expériences en arrivant dans une nouvelle ville. Dans sa quête elle rencontrera Antonia, dont l’impulsivité va bousculer sa solitude. Qui a dit que le temps pansait toutes les blessures ?

La Imatge permanent
Espagne, 2023
De Laura Ferrés

Durée : 1h34

Sortie : –

Note :

IMPERMANENTE, L’EXISTENCE

La Imatge permanent, c’est d’abord la silhouette d’une vierge phosphorescente dessinée sur un carton, que la persistance rétinienne devrait permettre de voir même dans le noir. C’est une promesse faite à Antonia mais, déjà enceinte à quinze ans d’une petite Carmen, celle-ci n’a plus la naïveté d’attendre des miracles de contes de fée ni de croire aux boniments d’un curé qui ne lui revient pas. Elle a bien conscience du type de vie qui attend les femmes dans ce coin de campagne isolé où les hommes sont tous absents. Ces derniers sont-ils à la guerre ? D’ailleurs à quelle époque se déroule l’action exactement ?

La Imatge permanent, c’est aussi celle laissée par un fantôme au-dessus de sa tête lors d’une séance photo avec sa mère. La présence hallucinante de ce spectre masculin dérange moins cette dernière que l’impolitesse d’Antonia qui a eu l’audace de sourire. C’est décidé : une fois qu’elle aura accouché, Antonia ira voir ailleurs si elle y est. En quelques minutes à peine, la cinéaste catalane Laura Ferrés fait preuve d’une écriture stupéfiante, pleine d’ellipses et de trouvailles inattendues qui viennent faire planer une étrange tension tout autour de cette héroïne têtue. On est immédiatement convaincu que La Imatge permanent pourrait aller n’importe où, et le film ne fait que commencer.

A l’époque actuelle, une photographe nommée Carmen recherche des personnes pour illustrer les visuels d’une campagne politique socialiste dont le slogan est « On change ? » (tout un programme). Sa mission : trouver un visage authentique loin de ceux générés par les logiciels d’intelligence artificielle, un visage qui représente aussi bien le présent que l’avenir de la région. C’est à cette occasion qu’elle fait la connaissance impromptue d’une dame âgée à moitié marginale qui dit s’appeler… Antonia. D’abord farouche, celle-ci finit par se rapprocher de Carmen. Il arrive à Antonia de dire les mêmes proverbes et chanter la même chanson que l’héroïne du début du film mais peut-il en toute logique s’agir de la même personne que dans la première partie du long métrage ?

Ce second point de départ dans le récit pourrait donner lieu à un mélo intergénérationnel plein de retrouvailles arrosées de larmes, mais La Imatge permanent est beaucoup plus singulier que cela. Tout d’abord, les protagonistes sont des personnages féminins au comportement (et au physique) d’un réalisme que l’on croise rarement dans les films : étonnements retorses, elles refusent de sourire quand on leur demande, et n’ont pas peur de se filer des baffes. Surtout, les virages narratifs secs demeurent délibérément inexpliqués, proche du fantastique. Visuellement ambitieux, La Imatge permanent est un film-puzzle où les pièces se superposent plus qu’elles ne s’assemblent, formant une image… impermanente. Difficile de résumer l’énigmatique propos du film en une simple formule, mais c’est justement ce qui fait de cet insaisissable rébus l’une des plus excitantes découvertes de l’année.

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par Gregory Coutaut

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