Festival Premiers Plans | Entretien avec Christian Avilés

Des jeunes Britanniques assommés par la grisaille se retrouvent comme envoûtés par la lumière du soleil lors de leurs vacances à Majorque. Avec La Herida luminosa, Christian Avilés signe un film hypnotique, aussi doux que lugubre. Cette blessure lumineuse évoque à la fois la mélancolie fluo de Spring Breakers, la summertime sadness de Lana Del Rey et la chaleur étrange d’un Virgil Vernier. C’est une nouvelle révélation du jeune cinéma espagnol, dévoilée à la Berlinale et sélectionnée cette semaine au Festival Premiers Plans d’Angers. Christian Avilés est notre invité.


Quel a été le point de départ de La Herida Luminosa ?

J’avais le désir de raconter une histoire sur des choses qui peuvent se passer sous nos yeux sans que nous nous en rendions compte. J’ai toujours été attiré par les éléments mystiques et cachés qui coexistent dans notre réalité, j’ai tendance à être obsédé par l’occulte. La Herida luminosa est basé sur un contexte très réel et contemporain, tout le monde en Espagne est conscient du type de tourisme qui a lieu dans nos îles ainsi que dans nos villes côtières. Tant de fois, cela a à voir avec l’alcool, la drogue, les jeunes qui sautent des balcons… Fantasmer sur ce qui pourrait être derrière cela, c’était un moyen de canaliser cette idée : trouver l’élément magique dans un endroit où nous ne l’attendons pas. Dans le film, l’île devient un lieu sacré, c’est davantage un pèlerinage qu’une destination de vacances ordinaire.



Pourquoi avoir choisi de tourner ce film en 16mm ?

Il était très important pour mon directeur de la photographie et moi de capturer la réalité de manière plus étrange et spectrale. Tant de nos références visuelles provenaient de vidéos YouTube, d’images des médias, donc d’images très brutes et réelles de Majorque. Nous voulions être fidèle à l’essence-même du lieu, mais nous souhaitions également construire une sensation de rêve éveillé afin d’atteindre cette dimension de conte de fées.



Votre utilisation de la lumière est frappante et très expressive. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cet élément qui, dans votre film, peut être à la fois magique et menaçant ?

La lumière du film attire les personnages dans sa chaleur, sa vie et sa magie. C’est le but des protagonistes de l’atteindre et de s’en approcher le plus possible. Dès le début de l’histoire, nous voyons le personnage principal vivre dans un monde d’ombres où rien ne brille. Quand on lui donne la carte d’or qui révèle son destin, c’est la première fois que le garçon est frappé par une lumière.

Je trouve intéressant que vous utilisiez le mot « menaçant » pour s’y référer, parce que c’est vrai du point de vue du spectateur : nous pourrions le percevoir comme quelque chose de dangereux pour les adolescents, comme une hypnose, en voyant surtout le mal que cela causera à leur corps. Mais pour en revenir à l’idée du leurre, les personnages acceptent volontiers d’aller là où la lumière veut les emmener. À un niveau plus profond, ils ont besoin de la laisser entrer dans leur système, au-delà de leur forme physique. Ils en ont envie.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

J’admire tant de cinéastes qui font des films sans craindre de traverser les genres ; j’ai ce sentiment en regardant les films de Juliana Rojas, Leos Carax, Carlos Vermut, Chema García, Virgil Vernier, Julia Ducournau, Shunji Iwai, João Pedro Rodrigues…



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de différent, de découvrir un nouveau talent ?

Ça m’est arrivé en regardant les films de mes collègues dans la sélection courts métrages à la dernière Berlinale. Je suis très excité à l’idée de découvrir leurs prochains films.



Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 11 mars 2023. Un grand merci à Nica Fazio.

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