Critique : Mami Wata

Alors que l’harmonie d’un village est menacée par des éléments externes, deux sœurs doivent se battre pour sauver les leurs et rétablir la gloire de la déesse-sirène Mami Wata.

Mami Wata
Nigeria, 2023
De C.J. ‘Fiery’ Obasi

Durée : 1h47

Sortie : –

Note :

NUIT DE LÉGENDE

La carrière du cinéaste nigérian C.J. ‘Fiery’ Obasi n’a pas encore dix ans que ce dernier fait déjà preuve d’une approche très éclectique du genre fantastique. Ce dernier peut être explosif comme dans son premier long métrage, Ojuju, où il filmait une invasion zombie comme un film d’action. Il peut être plus sérieusement réaliste comme dans son segment réalisé pour l’anthologie Juju Stories, ou encore pulp et néon comme dans son court Hello Rain, présenté l’an dernier au Festival de La Roche-sur-Yon. C’est néanmoins avec son dernier long métrage, Mami Wata, que l’auteur signe son virage le plus radical.

Mami Wata fait cette semaine sa première mondiale au Festival de Sundance où, ironiquement, le film gagnant de l’édition précédente, le drame américain Nanny, évoquait déjà la figure de Mami Wata. Cette créature mythologique issue des cultures d’Afrique de l’ouest, et liée à l’élément aquatique, est l’unique point commun entre les deux films. Le film d’Obasi ne cherche pas l’hommage évident, et ne cherche pas non plus à rentrer dans des cases évidentes.

L’histoire de déroule dans un village fictif au bord de l’océan, dont les habitants choisissent de vivre à moitié coupés du monde contemporain, préférant confier la gérance de leur quotidien à Mami Wata, ou plus précisément à Mama Efe, prêtresse qui lui sert d’intermédiaire sur terre. Bientôt, l’une des deux filles de Mama Efe devra devenir intermédiaire à son tour. Les jours du village s’écoulent paisiblement sous ce régime matriarcal et divin, mais la violente révolte qui secoue le monde extérieur s’approche à grand pas. Mami Wata peut-elle continuer à accorder sa protection, et si oui à quel prix ?

Ce récit à la simplicité propre aux fables et aux mythes, Obasi le fait passer par deux sacrés filtres de mise en scène. D’abord un noir et blanc stupéfiant, où les éclats de lumière font ressortir de façon presque surnaturelle le ciel nocturne ou le blanc des maquillages et des costumes mi-folklorique mi-futuristes. Il n’y a presque pas un plan de Mami Wata qui ne soit d’une puissante ambition esthétique. L’autre filtre est un rythme d’une lenteur qui, outre qu’elle est très exigeante, fait là encore décoller le film du réalisme vers une sorte de théâtre antique merveilleux. Le résultat n’est sans doute pas le film le plus facile d’accès du cinéaste, mais c’est une réussite formelle radicale qui vaut le coup d’œil.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article