Critique : The House

Deux enfants se réveillent au milieu de la nuit pour découvrir que leur père n’est plus là et que toutes les fenêtres et les portes de leur maison ont disparu.

The House
Etats-Unis, 2022
De Kyle Edewar Ball

Durée : 1h40

Sortie : disponible sur Shadowz

Note :

HERE IS THE KEY TO UNLOCK THE DOOR

The House (Skinamarink en VO, d’après le nom d’une comptine pour enfant) arrive en VOD en France après un parcours singulier (pas immédiatement remarqué lors de ses premières présentations en festivals, le film est devenu soudainement viral sur TikTok) et auréolé d’une sacrée réputation, celle d’être l’un des films d’horreur les plus clivants de ces dernières années. Terrifiante traversée du miroir pour certains spectateurs, néant prétentieux pour les autres, ce film au budget rikiki (le réalisateur a tourné directement dans la maison de ses parents) a pour premier mérite de ne pas générer d’avis tièdes. Sans doute parce qu’il ne l’est lui-même pas du tout.

Qu’est-ce qui fait peur dans cette maison où les issues et les adulte ont soudain disparu ? Ce qui est certain, c’est que pour son premier long métrage, Kyle Edward Ball n’a pas peur du vide. The House fait partie de ces films où il ne se déroule pas forcément grand chose et où tout passe par l’atmosphère. Cette formule n’est certes pas unique, mais elle est ici poussée à l’extrême : il n’est en effet pas exagéré de dire que The House est d’une lenteur et d’un minimalisme radicaux, comme s’il puisait son inspiration dans une horreur alternative japonaise plutôt que du côté du cinéma anglophone. Cette volonté de ne pas caresser le spectateur dans le sens du poil, de l’abandonner dans le noir au même titre que les deux jeunes protagonistes tétanisés, ne manque certainement pas d’audace, quitte à pousser un peu mémé dans les orties. Pointons du doigt notre principale réserve : le film est par moments délibérément répétitif à force de plans fixes sur des portes entrouvertes, et aurait sans doute pu bénéficier d’un montage plus resserré. Mais la patience nécessaire est sacrément récompensée, et ce deux manières.

La première récompense, c’est bien sûr une ambiance incroyable. La maison dans laquelle se déroule tout le film est plongée dans le noir et les seules vagues taches de couleurs proviennent de la lumière bleue de l’écran de télé qui semble s’allumer tout seul. Le très gros grain de l’image, qui rappelle autant des vieux films de famille en VHS que des images de télésurveillance ou des found footages malaisants, vient donner une épaisseur poisseuse à ces ténèbres. Avec une quasi absence de dialogues et une lenteur angoissante, The House parvient à mettre en scène mieux que quiconque la simplicité brutale des peurs enfantines, ancestrales et presque inconscientes : la peur du noir, la peur de l’abandon, le peur des parents (faut-il y voir une métaphore de violence familiale?), et surtout la peur de ne jamais pouvoir se réveiller d’un cauchemar.

L’autre récompense est la dernière demi-heure du film, légèrement plus narrative que le reste ou en tout cas plus directe, et qui est sans doute ce que l’on a vu de plus terrifiant depuis très longtemps. The House a provoqué plus d’un parallèle avec Le Projet Blair Witch, mais ce dernier possède un récit d’un limpidité presque mainstream en comparaison. En travaillant une perpétuelle perte de repères (combien de temps s’écoule-t-il pour les personnages ? L’agencement des pièces change-t-il ? Que voit-on réellement à l’image ? Depuis combien de temps ne s’est-il rien passé ou presque ?), Kyle Edward Ball bâtit une mise en scène qui colle à son sujet en épousant l’angoissante absence de logique des maisons hantées. Trop de films d’horreur réussis héritent du compliment suivant, celui de ressembler à un cauchemar. On a pourtant très rarement vu un film autant ressembler à un cauchemar d’enfant, un labyrinthe éprouvant qui empêche réellement de dormir et qui reste en mémoire pour longtemps.

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par Gregory Coutaut

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