Festival de La Roche-Sur-Yon 2023 : notre bilan

Le Festival de La Roche-Sur-Yon s’est achevé ce weekend et vous avez pu le suivre comme chaque année sur Le Polyester. Nous revenons sur les temps forts de cette 14e édition.

Deux des expériences de cinéma les plus intenses à vivre cette année étaient présentées dans la compétition internationale du Festival de La Roche-sur-Yon : La Bête du Français Bertrand Bonello et Pauvres créatures du Grec Yorgos Lanthimos. Deux œuvres hors normes, travaillées par le chaos, et qui donnent le sentiment rare et exaltant que tout – vraiment tout – peut arriver à l’écran. Ces films sortiront dans les salles françaises début 2024 et nous aurons assurément l’occasion d’en reparler. Parmi les autres films remarquables de cette compétition, citons le brillant film d’animation Art College 1994 du Chinois Liu Jian (primé au festival il y a quelques années avec Have a Nice Day) ou l’élégant documentaire El Eco de la Mexicano-Salvadorienne Tatiana Huezo : ce riche brassage de genres et de nationalités donne une bonne idée du gratifiant éclectisme qui caractérise le festival.

Comme lors de chaque édition, toutes les formes sont les bienvenues au festival, et aucune n’est traitée comme si elle appartenait aux marges. Le public a pu ainsi découvrir plus de courts métrages et parfois sur les plus grands écrans, comme lors de la projection du superbe As filhas do fogo du Portugais Pedro Costa. Parmi les curiosités au menu, citons le surprenant All That Love Allows d’Emily Curtis, film de montage racontant l’histoire d’amour entre deux femmes pirates à partir d’archives de divers longs métrages en Technicolor. Le cinéma est partout, comme le prouve le formidable double programme de clips projetés eux aussi sur grand écran, avec notamment une rétrospective de l’œuvre explosive des Daniels. Quelques années avant leurs longs Swiss Army Man et l’oscarisé Everything, Everywhere, All at Once, ce focus révèle déjà leur sens de la folie et leur obsession des corps déchainés.

*Turn Down For What – rétrospective The Daniels*

De nombreux documentaires se sont distingués dans cette sélection, là encore en n’ayant pas peur de repousser les limites. En près de 4 heures, Frederic Wiseman essore à nouveau son sujet de manière passionnante dans Menus plaisirs (consacré à la maison Troisgros, triplement étoilée au Michelin), et interroge comme bien d’autres longs métrages cette année le lien avec la nature qui nous entoure (on pense à Songs of Earth, Bitterbrush, El Eco ou encore The Pod Generation). Le meilleur exemple de cette traversée entre les genres et les formes qui caractérise la programmation de La Roche-sur-Yon est certainement Knit’s Island des Français Ekiem Barbier, Guilhem Causse & Quentin L’helgoualc’h (lire notre entretien), une stimulante et émouvante expérience à la croisée du jeu vidéo, du documentaire et du cinéma d’animation. Ce film a été couronné dans la section chercheuse Nouvelles Vagues ex-aequo avec l’ambitieux Sobre todo de noche de l’Espagnol Víctor Iriarte ; on espère que ces films trouveront la distribution qu’ils méritent.

La diversité des points de vue, qu’il s’agisse de pays d’origine (des films des Philippines, du Burkina Faso, d’Estonie), de genre (beaucoup de voix féminines), de cinéma queer (de la rétro Kenneth Anger à la comédie Répétition générale) offre au festival une très grande richesse et donne l’impression plus qu’ailleurs qu’on est ici attentif aux cinémas et à leurs publics. Ainsi qu’au monde : la question de l’accueil des réfugiés était commune à de nombreux films cette année comme Moi, capitaine de Matteo Garrone, Bravo Burkina ! de Walé Oyéjidé, Drift d’Anthony Chen et Green Border d’Agnieszka Holland, qui est reparti avec le prix du public et qui arrivera en salles début 2024.

Comme chaque année, on en repart en ayant hâte de la prochaine édition. Retrouvez nos articles consacrés au festival ci-dessous.

Nos entretiens

• « On finit alors par s’interroger sur la réalité de ce que l’on est en train de vivre » | notre entretien avec Ekiem Barbier, Guilhem Causse & Quentin L’helgoualc’h, réalisateurs de Knit’s Island

• « J’ai fait ce film parce que j’avais des questions, pas des réponses » | notre entretien avec Víctor Iriarte, réalisateur de Sobre todo de noche

Compétition internationale

Art College 1994, de Liu Jian
Drift, d’Anthony Chen
El Eco, de Tatiana Huezo
El Profesor, de María Alché et Benjamín Naishtat
La Bête, de Bertrand Bonello
La Pecera, de Glorimar Marrero Sanchez
Pauvres créatures, de Yorgos Lanthimos
Sidonie au Japon, d’Élise Girard
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, d’Ariane Louis-Seize

Compétition Nouvelles Vagues

El auge del humano 3, d’Eduardo Williams
Bravo, Burkina !, de Walé Oyéjidé
Camping du lac, d’Éléonore Saintagnan
Knit’s Island, d’Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’Helgouac’h
Mademoiselle Kenopsia, de Denis Côté
In Ukraine, de Piotr Pawlus et Tomasz Wolski
Sobre todo de noche, de Victor Iriarte
The Tuba Thieves, d’Alison O’Daniel