Critique : Sidonie au Japon

Sidonie se rend au Japon à l’occasion de la ressortie de son best-seller. Malgré le dévouement de son éditeur japonais avec qui elle découvre les traditions du pays, elle perd peu à peu ses repères… Surtout lorsqu’elle se retrouve nez à nez avec son mari, disparu depuis plusieurs années !

Sidonie au Japon
France, 2023
D’Elise Girard

Durée : 1h35

Sortie : 03/04/2024

Note :

VOYAGE POUR VOS SENS

Il n’y a pas d’âge pour les récits d’apprentissage et pas de frontière non plus. Sidonie part à contrecœur pour ce qui est presque l’autre bout du monde, culturellement comme géographiquement : le Japon, où elle est invitée pour parler d’une autobiographie qu’elle préférerait laisser derrière elle. Incapable de lâcher sa valise des mains à l’aéroport, on ne peut pas dire qu’elle se précipite activement dans une fuite en avant mais le symbole est déjà sous nos yeux : il y a des bagages qu’elle va devoir apprendre à abandonner.

Le voyage que propose la cinéaste Elise Girard aux spectateurs n’est pas radicalement inconnu. Elle n’a pas peur de la carte postale et on peut même dire qu’elle n’y va pas de main morte sur le pittoresque avec ces cerisiers en fleurs, ces bentos délicats et ces promenades zen dans des temples majestueux. Un Japon plus alternatif et moins évident est certes également cité par instants, comme dans ce clin d’œil à Hiroshima mon amour ou dans la manière singulière (héritée du cinéma classique nippon) d’éclairer les personnages fantômes, mais ces imposants modèles sont ici davantage candidement recopiés que réinventés.

Sidonie reçoit en effet la visite d’un spectre facétieux, mais il y existe un autre souvenir fantomatique qui plane au-dessus du film entier : celui de la cinéaste française Sophie Fillières, décédée en 2023 et ayant participé à l’origine de Sidonie au Japon. Dans la première partie du long métrage, on retrouve avec plaisir la trace du mélange des tons propre à la réalisatrice de Gentille ou Arrête ou je continue, son goût pour un humour burlesque et brusque à la fois, où les corps s’épuisent à force de courir ou lever les bras au ciel.

Isabelle Huppert se fond parfaitement dans ce bouquet de petits décalages : le sérieux et la froideur de ses apparences, de son expression corporelle et de son phrasé sont ici utilisés avec un art du contrepoint qui sonne juste. Rien que sa manière de dire « Ah » devient à la fois un gag absurde et la porte ouverte inattendue vers une folie douce. L’alchimie s’émousse sans doute trop à mesure que le film approche de son dénouement dédié aux bons sentiments et qu’il devient aussi lisse que les vêtements neufs de Sidonie. Au final, ce voyage sort moins des sentiers battus que ce que l’on pouvait espérer. Mais regarder des jolis paysages avec la Huppert comme compagnon de voyage sur la banquette arrière, c’est déjà quelque chose.

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par Gregory Coutaut

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