Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : In Ukraine

À Kiev comme ailleurs en Ukraine, les conséquences de la guerre sont visibles partout. Comme un contrepoint artistique aux images de nombreux reportages télévisés, In Ukraine se focalise sur ce qui est rarement montré: les gestes quotidiens et poignants des habitants pour qui la vie continue malgré tout.

In Ukraine
Pologne, 2023
De Piotr Pawlus et Tomasz Wolski

Durée : 1h22

Sortie : –

Note :

EN GUERRE

Ce sont d’abord des contraires forts qui interpellent dans In Ukraine : un plan sur des balançoires roses tandis qu’un immeuble en ruine se dresse au second plan, l’épave d’une voiture brûlée et abandonnée dans un joli paysage. On cherche parfois des signes de la guerre dans le plan : des arbres sont tombés par terre certes, mais ce ne sont que des arbres, plus tard des gens se prennent en photo à côté d’un tank, s’agit-il d’un vestige ou d’une trace du présent ? Ce trouble est immédiatement dissipé : nous sommes en Ukraine durant l’actuel conflit, mais la vie qui continue malgré tout, tandis que la guerre dure, donne une perspective singulière sur ce que l’on voit.

Le relief de l’image donné par les cinéastes polonais Piotr Pawlus et Tomasz Wolski (ce dernier s’étant distingué récemment avec l’ovni documentaire 1970, réalisé avec des marionnettes) n’installe pas le film dans une patine réaliste de journal télévisé. Mais, paradoxalement, c’est certainement chez Pawlus et Wolski que se situe le réalisme plus que dans la frénésie dramatique du JT. Les plans sont fixes, avec peu de dialogues ou d’éléments dramaturgiques. Le long métrage dépeint de manière assez glaçante comment la routine peut, malgré tout, prendre place dans un tel climat – et c’est probablement ce qu’il y a de plus saisissant et profondément bouleversant dans In Ukraine.

Pourtant, les meutes de chiens à l’abandon lorsque le soleil se couche semblent sorties d’un récit apocalyptique. La distribution alimentaire à base de céréales Nesquik revêt une dimension pathétique, et personne ne devrait s’habituer à ça. La guerre est loin et proche : c’est une sirène d’alarme indiquant qu’il faut rejoindre les couloirs du métro (décor exploré récemment par un autre documentaire, Photophobia), ce sont les déflagrations des bombes dans les bois, accueillies avec un surprenant flegme par des soldats clopes à la main. Cette richesse de tons nourrit la tristesse de ce témoignage en temps de guerre. Les plans successifs sur des immeubles éventrés ressemblent à des images de maisons de poupées, sans quatrième mur, laissant voir là une cuisine, ici un salon – une puissante vision macabre qui se passe de tout commentaire.

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par Nicolas Bardot

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