Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : The Tuba Thieves

Dans une école de musique de Los Angeles, les tubas disparaissent mystérieusement un à un. Réalisé et interprété par des personnes malentendantes, The Tuba Thieves est moins un récit d’enquête qu’une inclassable symphonie urbaine, abordant la question du langage et du son avec une grande originalité.

The Tuba Thieves
Etats-Unis, 2023
De Alison O’Daniel

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

SILENCE ON TOURNE

Le titre de cet inclassable film américain fait référence à une mystérieuse série de vols d’instruments de musiques dans plusieurs lycées de Los Angeles il y a une douzaine d’années. Pour autant, The Tuba Thieves ne pourrait pas moins ressembler à un film d’enquête. Malgré le titre, l’identité des voleurs demeure un mystère même une fois le film terminé et pour tout dire, l’anecdote en question n’est qu’effleurée à plusieurs reprises. Pourquoi un tel titre, dès lors ? Et pourquoi de tels vols ? Ce ne sont pas ces questions-là qui portent le film, mais ce dernier n’est pas avare en excitantes énigmes.

Par où commencer pour décrire cette œuvre située à cheval entre documentaire et fiction? Il y a bel et bien des personnages interprétés par des acteurs, et ces derniers sont tous malentendants, comme la réalisatrice Alison O’Daniel. Leurs scènes sont donc entièrement signées, quasi muettes, et leurs dialogues en langue des signes sont sous-titrés à l’écran. Un procédé certes pas unique dans le cinéma, mais encore très rare. Or, comme dans une partie de téléphone arabe où le message initial devient de plus en plus fou, c’est progressivement que se déploie l’imprévisible originalité du film.

A coups d’archives, de reconstitutions, de concerts filmés mais surtout d’images documentaires au présent, Alison O’Daniel compose un étonnant patchwork autour de la question de l’écoute. Les sous-titres apparaissent partout où on ne les attend pas, tels des fenêtres pop-up poétiques. Un orchestre se met à jouer, et le son de chaque instrument est sous-titré d’une façon unique. Le calme d’un quartier résidentiel est régulièrement troublé par la proximité d’une piste d’aéroport, et l’évolution des décibels se retrouve elle aussi sous-titrée. Chaque séquence nous invite à remettre en question notre rapport aux sons de façon différente.

The Tuba Thieves finit par dresser un portait sonore de Los Angeles, une sorte d’exploration où les bruits serviraient de fil rouge davantage que la narration, les personnages, ou tout ce qui compose habituellement un film, qu’il s’agisse d’une fiction ou d’un documentaire. Le procédé n’évite pas entièrement la frustration : tout comme les premiers spectateurs de 4′33″, la célèbre œuvre musicale entièrement silencieuse du compositeur John Cage, directement citée par le film, on est invité à une remise en question si radicale des normes artistiques qu’on se demande parfois un peu ce que l’on regarde et entend. The Tuba Thieves exige un certain lâcher-prise, semblerait presque nous narguer avec son titre-prétexte, mais offre en échange une expérience de spectateur rare, passionnante et tout simplement unique.

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par Gregory Coutaut

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