Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : Ingeborg Bachmann – Journey into the Desert

Biopic dédié à l’autrice Ingeborg Bachmann et à sa vie mouvementée, revenant notamment sa relation amoureuse passionnée avec l’auteur suisse Max Frisch.

Ingeborg Bachmann – Journey into the Desert
Suisse, 2023
De Margarethe von Trotta

Durée : 1h50

Sortie : –

Note :

C’EST BEAU LA BOURGEOISIE

La cinéaste allemande Margarethe von Trotta fait cette année son grand retour dans la compétition du Festival de Berlin. La réalisatrice de Rosa Luxemburg ou Hannah Ardendt signe ici un nouveau film-portrait d’une femme germanophone puissante : l’autrice et poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann. Le titre du film porte directement le nom de cette brillante protagoniste, ne faisant pas de mystère sur la volonté de la cinéaste de documenter et transmettre la vie de cette dernière plutôt que d’analyser celle-ci à travers un point de vue radicalement nouveau. D’une facture très, très classique, Ingeborg Bachmann – Journey into the Desert est en effet un film explicatif davantage que révélateur.

Margarethe von Trotta fait le choix de s’intéresser davantage à la vie personnelle de Bachmann plutôt qu’à son travail. Ce dernier n’est évoqué qu’à travers quelques entretiens donnés à des journalistes dans des scènes paresseuses où la principale intéressée donne trop facilement des clés pour interpréter son œuvre, comme si elle lisait sa propre page Wikipedia. Bachmann est ici uniquement entourée d’hommes, sans cesse rappelée à son statut de femme. Cette approche en vaudrait bien une autre si l’accumulation de scènes de ménage ne finissait pas par faire de l’artiste une épouse frustrée rêvant d’une libération sexuelle exotique. Vicky Krieps a beau faire des efforts, cela ne suffit qu’à moitié pour rééquilibrer cette vision désuète.

A l’exception d’une mystérieuse introduction et de quelques beaux éclats de poésie morbide préfigurant son décès brutal (elle est morte brûlée dans son lit), on est ici très loin de l’Ingeborg Bachmann qu’adaptait Werner Schroeter dans Malina, mais était-ce de toute façon le but de von Trotta? Celle-ci fait plutôt de sa perpétuelle recherche de liberté une promenade bourgeoise à travers une Europe de carte postale : accordéon à Paris, Vespa à Rome, et à chaque scène une nouvelle robe satinée, tellement neuve qu’on s’attend à voir l’étiquette dépasser dans le dos de Vicky. On ne peut pas dire qu’on avait prévu que ce biopic ressemblerait autant aux films Sex and the City (surtout le 2, pour le meilleur comme pour le pire), mais il n’est pas interdit de trouver dans ce décalage maladroit un certain amusement.

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par Gregory Coutaut

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