Critique : Linda veut du poulet !

Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste !… Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ?…

Linda veut du poulet !
France, 2023
De Chiara Malta et Sébastien Laudenbach

Durée : 1h16

Sortie : 18/10/2023

Note :

CHICKEN RUN

Quoi de plus simple que de faire cuire un poulet ? Rien de rien, visiblement, car l’humble requête culinaire de la petite Linda (tout juste demande-t-elle à sa mère d’accompagner le poulet de poivrons – on a connu menu plus farfelu) va plonger son voisinage entier dans un chaos joyeux et imprévisible. Linda ne vit pourtant pas dans un monde imaginaire prêt à basculer à chaque instant, son monde c’est le nôtre. Dans la cité où elle habite, les adultes sont tous très occupés, surtout avec cette grève générale qui paralyse le pays entier.

Entre tours d’habitation et contrôles de police, le quartier de Linda ne sort pas d’un conte de fée, mais ce n’est pas une raison pour qu’il soit terne à l’image. La première qualité qui saute aux yeux face à Linda veut du poulet ! c’est son utilisation des couleurs. Chaque personnage n’a besoin que de quelques traits (même pas toujours liés avec netteté) pour exister, et chacun possède sa couleur. Les décors possèdent des coloris discrets, presque pastels, dans lesquels les personnages brillent comme des taches éclatantes : un jaune solaire pour Linda, un orange introspectif pour sa mère, etc. Moins que les traits de leur visage, ce sont ces couleurs qui définissent les personnages, et quand tous se croisent sur la place centrale de la ville, celle-ci prend des airs de feu d’artifice multicolore.

Linda veut du poulet ! est un film « qui a la bougeotte » comme le disent eux-mêmes les coréalisateurs. Si le premier long métrage de Chiara Malta était en prise de vues réelles (la comédie méta Simple Women avec Elina Löwensohn), Sébastien Laudenbach avait quant à lui signé en 2016 le film d’animation La Jeune fille sans main, au style épuré et délicat. On retrouve dans le style visuel de Linda un art similaire de l’esquisse expressive, mais le ton est cette fois à la comédie. La succession de scènes gentiment lunaires et burlesques évoque d’ailleurs les films d’un autre duo francophone : Fiona Gordon et Dominique Abel.

Le film peut donner l’impression de gesticuler un peu, beaucoup, et on se surprend par instants à souhaiter une scène sans gag ni accélération, histoire de pouvoir apprécier en silence cette inventivité visuelle. Les parenthèses musicales promettent des pauses bienvenues mais il n’est pas forcément évident de reprendre son souffle aux sons de comédiens ne sachant pas forcément chanter très juste. Ce défaut pas bien grave peut être mis sur le compte du charme artisanal de l’ensemble. La leçon sur le vivre-ensemble s’accompagne en effet d’une attachante invitation à la désobéissance, et en dépit (ou peut-être grâce à) sa modestie, Linda possède un vrai capital sympathique.

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par Gregory Coutaut

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