La 52e édition du Festival de Rotterdam s’est achevée ce weekend. Comme chaque année, vous avez pu suivre cette édition en direct sur Le Polyester. Nous revenons sur les temps forts de cette édition.
Après une édition 2021 divisée en deux et une édition 2022 majoritairement en ligne, cette dernière mouture de l’IFFR fut un retour très apprécié aux conditions habituelles du festival, dont la sélection aussi éclectique que gigantesque (242 longs métrages et 213 courts !) a débordé des cinémas pour se loger dans une grande partie des lieux culturels de la ville. L’une des particularité de la manifestation néerlandaise est en effet la porosité entre la salle de cinéma et le musée. Si certains films de la compétition internationale possédaient des formes narratives si libres qu’on les auraient bien imaginés en installations vidéos immersives (Playland, Gagaland), c’est justement dans les musées qu’on a retrouvé certains des cinéastes les plus attendus.
Outre Captives, l’inquiétante installation audiovisuelle imaginée par la réalisatrice géorgienne Dea Kulumbegashvili (Au commencement), ainsi qu’une ambitieuse sélection de films en VR et d’expériences en réalité augmentée (à base de chauves-souris philosophes) le point d’orgue de cette édition était sans doute Sunshine State, l’œuvre vidéo que Steve McQueen présentait au Depot Boijmans Van Beuningen. Le réalisateur de Hunger et 12 Years a Slave y monte en parallèle le souvenir d’une agression raciste vécue par son père et des images du film Le Chanteur de jazz, passées à l’envers et en négatif, et où le visage du héros grimé en blackface est numériquement rendu invisible. Le résultat est saisissant.
La directrice artistique Vanja Kaludjercic, dont c’était la 3e édition, a continué à démontrer qu’elle était l’une des sélectionneuses les plus audacieuses qui soient. D’un niveau général certes plus exigeant que les années précédentes, la compétition internationale a su marier documentaires (Le Spectre de Boko Haram de la Camerounaise Cyrielle Raingou a remporté le Tiger Award du meilleur film) et fictions (nos préférées : le drame sri-lankais Munnel, la miniature espagnole Notas sobre un verano et la comédie allemande Letzter Abend), tout en laissant comme chaque année une place de choix aux œuvres justement situées à cheval entre les deux, tels les puzzles autobiographiques Nummer achttien et 100 Seasons.
Le reste de la sélection fut riche en avant-premières : Eternal Daughter, fascinant conte gothique de Joanna Hogg avec Tilda Swinton, y côtoyait un grand nombre de nos coups de cœurs récents (Quand les vagues se retirent, Tigru, Trenque Lauquen, Blue Jean, Burning Days, Showing Up…) ainsi que des fantaisies queer pas banales, telles qu’on en voit rarement en dehors des festivals spécialisés (Body Shop, Captain Faggotron Saves the Universe, I Love You, Beksman).
En parallèle d’un hommage à Masaaki Yuasa et d’un état des lieux du cinéma indien, le festival a surtout laissé laissé une large place aux cinématographies asiatiques dans toute leur diversité, de la comédie (Arnold is a Model Student) au film de genre (In My Mother’s Skin, Faces of Anne). A ce titre, nos deux plus grands chocs esthétiques de cette édition furent Demigod, The Legend Begins, un film de sabre taiwanais entièrement interprété par des flamboyantes marionnettes, et l’ensorcelant Silent Ghosts, nouvelle rêverie en apesanteur du réalisateur chinois Yang Heng. A l’heure où l’avenir du cinéma d’auteur chinois est menacé par la censure, l’éclat et l’ambition de Silent Ghosts donnent de l’espoir. On espère voir celui-ci confirmé dans quelques semaines à la Berlinale, où les cinéastes chinois font leur retour cette année.
>>> Notre couverture du Festival de Rotterdam
Gregory Coutaut
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