Festival de Rotterdam | Critique : I Love You, Beksman

Tout le monde croit que Dali est gay, à commencer par ses parents. Quand Dali leur annonce qu’il est en réalité amoureux d’une fille, c’est la panique.

I Love You, Beksman
Philippines, 2022
De Percival Intalan

Durée : 1h47

Sortie : –

Note :

LA CONFUSION DES SENTIMENTS

Le Festival de Rotterdam, dont la programmation est toujours riche en découvertes asiatiques et en paris éclectiques, a montré cette années deux visages très différents du cinéma philippin contemporain. Étaient en effet sélectionnés hors-compétition la dernière fresque élégiaque en noir et blanc de Lav Diaz (le superbe Quand les vagues se retirent) et, dans un tout autre registre, l’attachante fantaisie queer I Love You, Beksman, que son réalisateur Percival Intalan a présenté comme étant « mainstream sans être mainstream ». I Love You est une comédie romantique sucrée à souhait, mais peut-on effectivement parler de mainstream dans un film qui s’excuse si peu de sa flamboyance gay ?

Gay, Dali ne l’est justement pas, contrairement à toutes les apparences : ses cheveux roses, ses chemises en soie, sa passion pour le maquillage. Contrairement aussi à tous ceux qui l’entourent, de ses collègues excentriques du salon de beauté où il travaille, jusqu’à son propre père, créature minaudant dans ses perruques brunes tel John Travolta dans Hairspray. Dali vit dans un microsome où rêveraient de grandir tous les jeunes homos, mais cela ne l’empêche pas d’avoir un coming out de taille à faire : il est en réalité hétéro et souhaite même présenter sa fiancée à son entourage consterné.

I Love You, Beksman emploie avec succès les codes bien connus et prévisibles de la comédie romantique (sens du rythme, personnages secondaires réussis, et même des chansons) tout en en inversant les enjeux. Même si Sasha Velour est ici citée en exemple, le ton général est plus proche de la farce grand public type La Cage aux folles que de Judith Butler. Cela n’empêche pas le film de savoir ce qu’il fait et de s’adresser au bon public. En s’amusant à saturer les attributs de genre autant que ses couleurs pop (les mecs hétéros y ont tous une petite moustache digne d’un maquillage de drag king), I Love You… fait de la recherche de la masculinité l’équivalent d’une performance drag, et en dépit d’un happy end hétérocentré, ce sont bien celles et ceux qui dévient de la norme qui sont ici célébrés comme il se doit.

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par Gregory Coutaut

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