Festival de Rotterdam | Critique : Faces of Anne

Anne est une fille comme les autres. Un jour, elle se réveille seule sur une île mystérieuse. Elle ne se souvient plus qui elle est ni comment elle est arrivée là. Rapidement, Anne va devoir apprendre à survivre et tenter de s’échapper.

Faces of Anne
Thaïlande, 2022
De Kongdej Jaturanrasamee et Rasiguet Sookkarn

Durée : 1h56

Sortie : –

Note :

LE VISAGE D’UNE AUTRE

« Qui… ? » : l’énigme de Faces of Anne est littéralement articulée dès le premier mot prononcé dans le long métrage des Thaïlandais Kongdej Jaturanrasamee et Rasiguet Sookkarn. Qui est la jeune femme à l’écran : c’est une question qu’on se pose en même temps qu’elle, qui se réveille dans ce qui ressemble à une chambre d’hôtel sans savoir qui elle est ni ce qu’elle fait là. Ladite chambre est d’une coquetterie désuète et son joli papier peint est un peu fané. Le high concept de Faces of Anne est malin, précisément dans ce thriller horrifique qui traite de l’identité : l’héroïne (et ses partenaires) va sans cesse changer de visage et être interprétée par différentes actrices.

Ce parti-pris original donne une dynamique d’abord assez excitante au long métrage. Cette idée narrative peut aussi être une idée visuelle – on pense notamment à cette trouvaille bluffante où, sans trop en dévoiler, les visages des protagonistes se mettent à bugger. Faces of Anne emprunte au jeu vidéo : son parcours à énigmes, ses morts et ses retours à la case départ, ses parcours à corriger peu à peu. Les cycles de Faces of Anne ont un potentiel ludique, mais il faut être un maître en terme de narration pour que le film ne devienne pas prisonnier de cette structure répétitive. A ce jeu-là, Faces of Anne perd beaucoup de son souffle et aurait mérité d’être plus percutant.

Ambitieux, le long métrage ajoute à son jeu de massacre un sous-texte sociétal. Les jeunes filles se questionnent sur un monde où elles pourraient être complètement elles-mêmes. Faces of Anne traite de la pression faite sur les filles, de l’image et de la standardisation aliénante. L’ironie (et probablement la mise en abyme la plus vertigineuse) étant l’implication dans le casting du film des membres du groupe BNK48, méga-formation de pop thaïlandaise aux innombrables membres… assez interchangeables. Que cela soit volontaire ou non, ce choix apporte un niveau de lecture supplémentaire qui ne manque pas de sel.

Si, comme on l’a évoqué, le film finit par se cogner aux murs de son labyrinthe narratif, Faces of Anne fait preuve d’un savoir-faire formel efficace. On a pu découvrir Kongdej Jaturanrasamee avec le drame contemplatif P-047 il y a une dizaine d’années (sélectionné à la Mostra, Busan et aux 3 Continents), il s’illustre ici dans un tout autre registre, épaulé par Rasiguet Sookkarn. Ce dernier, qui s’est jusqu’ici essentiellement distingué comme décorateur (notamment sur P-047 où le travail sur les décors avait une vraie fonction narrative), n’est peut-être pas pour rien dans le soin apporté aux lieux dans Faces of Anne. Les lumières du film sont léchées et inspirées, tandis que le résultat est aussi dense que chaotique.

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par Nicolas Bardot

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