Festival de Rotterdam | Critique : Playland

Le Playland Café, le plus ancien bar gay de Boston, a été créé en 1937 et était un centre queer vital dans la ville jusqu’en 1998, lorsque des projets de « rénovation urbaine » effrénés ont conduit à sa fermeture. Démoli mais jamais oublié, il a servi de lieu de rencontre pour une foule extrêmement diversifiée. Playland remonte le temps et se déroule pendant une nuit dans ce bar mythique.

Playland
Etats-Unis, 2023
De Georden West

Durée : 1h12

Sortie : –

Note :

NOUS AVONS TOUJOURS HABITÉ LE CHATEAU

Playland, premier long métrage de l’artiste multidisciplinaire Georden West, est une évocation du Playland Café. Né à la fin des années 30 et fermé en 1998, le Playland était le bar gay le plus ancien de Boston. Le film n’est en aucun cas un récit historique conventionnel, et résiste de manière assez stimulante aux définitions. Playland enchaine les tableaux vivants, assume sa dimension scénique jusqu’à avoir un entracte, tandis que les images d’archives et les enregistrements sonores s’invitent dans cette narration inattendue.

Ce travail proche de l’installation rappelle Les Rêves n’ont pas de titre, l’œuvre impressionnante créée par la Franco-Algérienne Zineb Sedira pour représenter la France à la dernière Biennale d’Art Contemporain de Venise. Là aussi, il s’agissait de la reconstitution d’un lieu comme catalyseur de la mémoire, où l’identité était explorée à travers un imaginaire de cinéma et de musique. On en vient à penser que Playland gagnerait une dimension supplémentaire sous cette forme-là d’installation.

Dès le début du film, le mot playland est vu à l’envers : nous sommes immédiatement invités à l’intérieur du lieu ; nous n’avons pas besoin de pousser sa porte, c’est comme si l’on s’était éveillé là. Cet aspect onirique est central dans Playland : les différentes époques du bar s’enchainent et se mêlent tandis que ses figures (jouées entre autres par la drag queen Lady Bunny ou Danielle Cooper, vue dans la série Pose) sont dépeintes comme de scintillants fantômes – strass, plumes et cuir brillant à la place de draps blancs.

Qu’est-ce qui a habité ce lieu, qu’est-ce qui l’habite encore ? Quelle mémoire charrie t-il ? Nous sommes et restons à l’intérieur mais le film traite évidemment des liens au-dehors, des droits des personnes queer et des droits civiques en général. C’est un lieu politique et poétique, il en va de même pour l’œuvre de Georden West, qui fait preuve d’un singulier talent pour raconter cette mémoire nocturne, cette flamboyante pénombre qui reprend vie devant nos yeux.

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par Nicolas Bardot

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