Critique : Trenque Lauquen

Une femme disparaît. Deux hommes partent à sa recherche aux alentours de la ville de Trenque Lauquen. Ils l’aiment tous les deux et chacun a ses propres soupçons quant aux raisons de cette disparition. Les circonstances vont cependant se révéler plus étranges que prévues.

Trenque Lauquen
Argentine, 2022
De Laura Citarella

Durée : 2h00 + 2h00

Sortie : 03/05/2023

Note : 

MISSION MYSTERE EN VEUX-TU EN VOILÀ

La première scène de Trenque Lauquen donne le ton : on y déboule alors que deux personnages sont en plein milieu d’une conversation téléphonique dont les enjeux nous sont laissés délibérément flous. Ce que l’on comprend à demi-mot, c’est que la protagoniste est à la recherche d’une femme disparue et qu’elle décide de mener une enquête. Soit, mais l’action se déroule dans un lieu nommé Trenque Lauquen, qui a pour étrange particularité de n’exister que sur des cartes anciennes, et d’être introuvable avec les outils récents. D’ailleurs à quelle époque se passe exactement tout ceci ? Dès le début, le film nous propose une drôle de transaction : il nous donne quelques éclaircissements d’une main tout en rajoutant une couche de mystère de l’autre, comme si les nuages s’amusaient à revenir devant le soleil après chaque éclaircie.

Trenque Lauquen est réalisé par l’Argentine Laura Citarella (lire notre entretien) qui avait produit il y a cinq ans le monumental La Flor de Mariano Llinás, qui durait déjà presque 14 heures. On retrouve ici la narration libre et typique des cinéastes de cette nouvelle génération argentine dont fait également partie Alejo Moguillansky (La Vendedora de fósforos, Por el dinero, La Edad media). Cette recette qui leur est propre pourrait se définir comme un mélange de ludisme et de sérieux sans modestie, où les gimmicks narratifs farfelus ou carrément méta prennent le dessus sur des émotions plus directes, tout en apportant une singularité difficile à ignorer. En résumé : le concept y importe parfois plus que tout. La durée de Trenque Lauquen peut avoir l’air complaisante par moment, mais la recette de Citarella y fonctionne bien, à condition d’être patient.

Si la première partie de Trenque Lauquen nous plonge dans le brouillard au sens propre et figuré, le deuxième volume se montre plus généreux. Non pas qu’il vienne éclairer la situation, il vient plutôt nous convaincre joyeusement de lâcher prise en offrant une place plus visible à l’humour, la folie et la surprise. D’abord accompagnée d’airs de musique classiques, la mine pince sans rire des acteurs se retrouve progressivement commentée par des tubes complètement décalés de Zucchero, Barbra Streisand ou des Beach Boys, qui reviennent comme un leitmotiv loufoque et intrigant, comme une incantation adressé à on ne sait trop quoi.

A force de virages, d’impasses et de fausses pistes, Trenque Lauquen nous fait faire une étrange chorégraphie qui donne l’impression d’être en même temps improvisée et très théorique. A chaque pas de côté, le mystère de l’intrigue s’épaissit : la découverte d’une correspondance amoureuse donne lieu à la découverte d’une société secrète puis de phénomènes paranormaux. Ce ne sont pas les réponses qui viennent nous apporter de la satisfaction, c’est au contraire l’excitante promesse d’un mystère chaque fois plus grand. Cette étonnante structure en forme de spirale hypnotisante possède ses moments de frustration mais le résultat demeure une drôle d’énigme qui ne ressemble qu’à elle-même.

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par Gregory Coutaut

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