C’est un dossier que nous réalisons à chaque fin d’année, mais qui prend cette année un poids particulier. Si les sorties en salles ont été moins nombreuses, la plupart des festivals ont bel et bien eu lieu, souvent en ligne, et pour qui a eu la chance de pouvoir voir des films, 2020 a été très riche en découvertes. Le Polyester vous présente donc (dans l’ordre alphabétique) 25 coups de cœurs de 2020 vus en festivals, venus de tous les continents. Certains ont été présentés en France (pas tous) mais à notre connaissance, aucun n’a pour l’instant de sortie prévue. On espère néanmoins qu’ils continueront à circuler et que vous finirez par les voir, si possible sur grand écran. On vous conseille en tout cas ardemment de les surveiller !
• A Balance | Yujiro Harumoto (Japon)
Le pitch : Une réalisatrice de reportages télé enquête sur une affaire de harcèlement scolaire dans son ancien lycée.
Pourquoi on l’aime : Vous reprendrez bien un peu de noirceur ? Grand gagnant du dernier festival de Busan, A Balance raconte un angoissant compte à rebours qui s’égraine dans une tension particulièrement glaciale. Ce portrait d’une société japonaise amnésique est rempli d’un malaise contagieux et intransigeant.
Notre critique de A Balance
• The Assistant | Kitty Green (Etats-Unis)
Le pitch : Jeune assistante d’un puissant producteur de cinéma, Jane est confrontée à un système particulièrement abusif.
Pourquoi on l’aime : Kitty Green ne cache pas s’être directement inspirée de l’affaire Weinstein pour ce drame nerveux, proche de l’horreur psychologique, passé par Toronto, Sundance et Berlin. Rigoureux mais brûlant, épuré et éprouvant à la fois, The Assistant est un vrai modèle d’écriture et d’interprétation.
Notre critique de The Assistant
• DAU.Natasha | Ilya Khrjanovski & Jekaterina Oertel (Russie)
Le pitch : Cantinière dans un mystérieux complexe militaire, Natasha prend un plaisir pervers à entrainer sa jeune collègue dans des cuites monumentales.
Pourquoi on l’aime : A l’origine du film il y a un projet fou : pendant 40 semaines, 300 acteurs et figurants ont vécu en totale immersion dans une base militaire recrée de toute pièce. Les 700 heures de rush ont enfanté une œuvre protéiforme : une exposition à Paris, un très long métrage de 7h, un site internet et ce DAU.Natasha (en compétition à Berlin), drame claustrophobe et impudique, entravé d’une angoisse contagieuse.
Notre critique de DAU.Natasha
• Days | Tsai Ming-Liang (Taïwan)
Le pitch : Dans la même ville, deux hommes solitaires vivent chacun de leur coté.
Pourquoi on l’aime : 2h07 sans aucun dialogue, un enchainement ensorcelant de splendides vignettes méditatives au pouvoir d’immersion sans égal, qui culmine dans une scène de massage érotique d’une intensité saisissante. Passé à la Berlinale puis brièvement sur Arte, en attente de la rétrospective qui devait avoir lieu cet automne à Beaubourg, ce film radical et câlin à la fois mérite une authentique sorties en salles.
Notre critique de Days
• Desterro | Maria Clara Escobar (Brésil)
Le pitch : Laura a perdu tout intérêt pour son mari et son fils. Pire: elle a la prémonition d’une catastrophe imminente.
Pourquoi on l’aime : Un pied dans une écriture au minimalisme radical, l’autre dans une chatoyante composition visuelle, Desterro (vu à Rotterdam) est un songe fiévreux qui tord le cou aux clichés des magnifiques-portraits-de-femmes-qui-partent-se-retrouver. Un voyage magnétique et fantastique en compagnie de la dream team des actrices brésiliennes.
Notre critique de Desterro
Notre entretien avec Maria Clara Escobar
• The Disciple | Chaitanya Tamhane (Inde)
Le pitch : Un homme obstiné consacre sa vie entière à devenir chanteur de musique classique indienne.
Pourquoi on l’aime : Six ans après Court, Tamhane confirme son talent unique pour dépeindre les codes de la société indienne contemporaine dans toutes leurs nuances. Avec une tension têtue et une subtilité virtuose, The Disciple (prix du scénario à Venise) pose une puissante question politique : jusqu’où vénérer aveuglément l’Histoire et les traditions ?
Notre critique de The Disciple
• First Cow | Kelly Reichardt (Etats-Unis)
Le pitch : Dans les marges de la ruée vers l’or, deux hommes sensibles se lient d’amitié.
Pourquoi on l’aime : L’infiniment petit résonne avec l’infiniment grand dans cette poignante aventure de poche où Reichardt observe avec une profonde bienveillance la vanité d’une civilisation masculine. L’un des sommets de l’année, de Berlin à La Roche-sur-Yon, à rattraper lors de la rétrospective de la réalisatrice à Beaubourg en 2021.
Notre critique de First Cow
• Genus Pan | Lav Diaz (Philippines)
Le pitch : Trois gangsters cherchent un trésor dans la jungle, mais l’appât du gain va réveiller la bête qui sommeille en eux.
Pourquoi on l’aime : Dans ce film presque court (2h37) dévoilé à Venise, Lav Diaz ouvre à nouveau son coffre à trésor rempli de mythes. S’il utilise ici les codes du film noir classique, la jungle philippine demeure une terre hantée par la violence du colonialisme, où la vérité n’est qu’une légende de plus. Une nouvelle élégie d’une incroyable beauté.
Notre critique de Genus Pan
• Irradiés | Rithy Panh (France)
Le pitch : Un montage d’images d’archives sur les crimes de masse du XXe siècle.
Pourquoi on l’aime : Présenté à Berlin, Irradiés est un film en forme de cri, le témoignage terrassant d’un cinéaste survivant qui ne veut pas “filmer en paix”. Divisé en trois parties, l’écran devient un mur d’images cauchemardesques en polyvision. Une installation d’une rare intensité, qui entoure et capte le regard comme jamais.
Notre critique d’Irradiés
• Listen | Ana Rocha de Sousa (Portugal)
Le pitch : Un couple d’immigrés portugais à Londres se bat pour récupérer leur fille détenue par les services sociaux.
Pourquoi on l’aime : Multi-primé à la dernière Mostra, ce drame nerveux et chaleureux à la fois possède les meilleures qualités d’écriture du cinéma social naturaliste : concision, vivacité et bienveillance. Lúcia Moniz donne l’une des grandes performances de l’année dans ce rôle d’une mère courage qui déplace des montagnes.
Notre critique de Listen
• Lynn + Lucy | Fyzal Boulifa (Royaume-Uni)
Le pitch : Lynn et Lucy sont meilleures amies, mais un drame va soumettre leur relation à une terrible rumeur.
Pourquoi on l’aime : Vue en toute fin 2019 au Festival des Arcs, cette histoire d’une amitié que personne de comprend (ni ne respecte) sert de terrain à une passionnante analyse des mécanismes de violence de groupe. D’une cruauté amère, le film est porté par une écriture à l’épure pleine de grâce, ainsi qu’un sens prodigieux du détail et de l’ellipse.
Notre critique de Lynn + Lucy
• Mama | Li Dongmei (Chine)
Le pitch : Dans un village des montagnes, XianXian, 12 ans, assiste à trois morts en l’espace d’une semaine.
Pourquoi on l’aime : Le trésor caché de la dernière Mostra. Derrière la douceur d’ange de son récit enfantin, Mama fait preuve d’une radicalité esthétique telle qu’on ne la rencontre que dans le cinéma chinois contemporain. Cette lenteur superbe et ce travail remarquable sur les changement d’échelles sont particulièrement bouleversants.
Notre critique de Mama
Notre entretien avec Li Dongmei
• Moving On | Yoon Dan-Bi (Corée du sud)
Le pitch : Okju emménage avec sa famille chez son grand-père qu’elle connait à peine.
Pourquoi on l’aime : Récit d’apprentissage estival, primé partout où il est passé (Busan, Rotterdam, Nantes…), Moving On est un travail d’orfèvre. A force de simplicité, douceur et bienveillance, la délicatesse de ce mélodrame finit imperceptiblement par briser le cœur.
Notre critique de Moving On
Notre entretien avec Yoon Dan-Bi
• My Mexican Bretzel | Nuria Giménez (Espagne)
Le pitch : Femme suisse dont le train de vie fait rêver, Vivian traverse les années 1950 dans un élan romanesque.
Pourquoi on l’aime : Les confidences intimes de la vraie Vivian viennent sous-titrer des images d’archives qui témoignent de son quotidien glamour. Un voile de nostalgie et d’artifice couvre alors son insouciance de femme du monde. Vu à Visions du Réel, ce pont entre cinéma et littérature crée un sentiment d’intimité rare et réserve d’incroyables surprises jusqu’à la toute fin.
Notre critique de My Mexican Bretzel
Notre entretien avec Nuria Giménez
• Never Gonna Snow Again | Małgorzata Szumowska & Michał Englert (Pologne)
Le pitch : Masseur à domicile, Zenia a le pouvoir presque magique de guérir ses patientes de tous leurs problèmes.
Pourquoi on l’aime : Montré à Venise et Toronto, voilà un film qui ne rentre dans aucune case. Drame fantastique sur Tchernobyl ? Film politique sur les rapports de classe ? Fable métaphysique sur la mémoire du corps ? Drame social sur le malaise sociétal contemporain ? On ne sait plus sur quel pied danser dans cette promenade dans l’inconscient, et c’est tant mieux.
Notre critique de Never Gonna Snow Again
• Ofrenda | Juan Mónaco Cagni (Agentine)
Le pitch : Deux fillettes errent dans la pampa déserte, jusqu’à (peut-être) se retrouver dans le futur.
Pourquoi on l’aime : Pas de dialogue, pas d’explication, pas de psychologie, mais un fil narratif passionnant à remonter nous-mêmes : d’une durée d’à peine plus d’une heure, Ofrenda (lauréat à Biarritz, et signé d’un cinéaste de 21 ans seulement!) est modeste en apparence mais maousse dans son ambition.
Notre critique de Ofrenda
Notre entretien avec Juan Mónaco Cagni
• Our Midnight | Lim Jung-Eun (Corée du sud)
Le pitch : Une nuit, un acteur raté rencontre une jeune femme qui tente de sortir d’une relation abusive.
Pourquoi on l’aime : Dévoilé à Busan, Our Midnight accumule les sujets lourds mais, comme par une sorte d’enchantement, transforme le tragique en chaleur humaine. Le résultat est comme une parenthèse mélancolique et pourtant enchantée au cœur d’une ville endormie.
Notre critique de Our Midnight
Notre entretien avec Lim Jung-Eun
• Red Moon Tide | Lois Patiño (Espagne)
Le pitch : Dans un village de pêcheurs où le temps s’est arrêté, les humains semblent vivre dans une autre dimension.
Pourquoi on l’aime : D’un ascétisme hardcore, comme s’il était filmé entièrement au ralenti, Red Moon Tide (vu à Berlin) mise sur le tout-poétique. Mélangeant fantastique et expérimental, cette évocation d’un monde bucolique et inquiétant sorti des limbes a de quoi plonger dans un état de sidération.
Notre critique de Red Moon Tide
Notre entretien avec Lois Patiño
• Shadow in the Cloud | Roseanne Liang (Nouvelle-Zélande)
Le pitch : En plein vol, une pilote de guerre tente d’avertir ses opiniâtres collègues masculins d’un danger proche.
Pourquoi on l’aime : Le ciel n’a pas de limites et Shadow in the Cloud (vu à Toronto), pas beaucoup plus. Huis-clos exigu et claustrophobe, métaphore de la domination masculine, le film bascule comme dans un trou d’air et change de registres à coups de loopings. Voilà un punch qui tourne la tête vite et fort, dans la plus excitante des ivresses.
Notre critique de Shadow in the Cloud
• Short Vacation | Kwon Min-Pyo & Seo Hansol (Corée du sud)
Le pitch : En guise de devoir de vacance, quatre collégiennes doivent prendre une photo qui évoque la fin du monde.
Pourquoi on l’aime : Porté par l’exaltante promesse d’un moment d’école buissonnière, ce road-movie de poche s’égare sur le plus charmant et mélancolique des itinéraires bis. Dans une perte de repères douce-amère, les détails du quotidien côtoient le gigantisme du monde qui continue de tourner. La plus douce révélation vue à Busan.
Notre critique de Short Vacation
Notre entretien avec Kwon Min-Pyo & Seo Hansol (bientôt en ligne)
• This Is Not A Burial, It’s A Resurrection | Lemohang Jeremiah Mosese (Lésotho)
Le pitch : Dans un village, une veuve de 80 ans se prépare à la mort et organise son propre enterrement,
Pourquoi on l’aime : A coups de beauté majestueuse, de cieux roses immenses et d’élégance hypnotique, cette fable transforme une femme marginale en véritable héroïne mythologique. Applaudie de Venise à La Roche-sur-Yon en passant par Sundance, cette immense légende racontée en secret semble venir d’un autre monde.
Notre critique de This Is Not A Burial, It’s A Resurrection
• The Trouble With Being Born | Sandra Wollner (Autriche)
Le pitch : Androïde ultra-réaliste, la jeune Ellie vit isolée avec un homme qu’elle appelle papa.
Pourquoi on l’aime : Dans l’éden domestique de son propriétaire, Ellie est comme un fantôme insondable, prisonnière de son statut d’objet de fantasme. Malaise, inquiétante étrangeté, angoisse métaphysique et déchirante solitude planent sur cet inclassable drame de science-fiction primé à Berlin. A nos yeux, la plus fulgurante révélation de 2020.
Notre critique de The Trouble With Being Born
Notre entretien avec Sandra Wollner
• Uppercase Print | Radu Jude (Roumanie)
Le pitch : 1981. Un adolescent est interrogé par la police secrète pour un graffiti anti-Ceaucescu.
Pourquoi on l’aime : Deux documentaires en un, par le plus cinglant et éclectique des auteurs roumains : d’un coté une éprouvante reconstitution policière à la théâtralité kafkaïenne, de l’autre un montage kaléidoscopique d’archives télés insouciantes, souvent hilarantes de kitsch. Un va-et-vient glaçant et vertigineux, montré à Berlin.
Notre critique d’Uppercase Print
• VHYes | Jack Henry Robbins (Etas-Unis)
Le pitch : 1987. Ralph, 12 ans, efface par erreur la vidéo de mariage de ses parents.
Pourquoi on l’aime : Présenté à Rotterdam, intégralement tourné en VHS par Jack Henry Robbins (fils de Susan Sarondon et Tim Robbins, qui font ici des bien beaux caméos), VHYes est un hilarant found footage façon zapping, un torrent d’idées surréalistes, une utopie nostalgique riche d’une énergie folle et d’étonnants décrochages fantastiques.
Notre critique de VHYes
Notre entretien avec Jack Henry Robbins
• The World to Come | Mona Fastvold (Etats-Unis)
Le pitch : XIXe siècle, côte est des États-Unis. Abigail tombe amoureuse de sa voisine Tallie.
Pourquoi on l’aime : Voix off mesurée, célérité du montage, sentiments effacés… Montré à Venise et La Roche-sur-Yon, cet élégant mélodrame en costumes passe par un minimalisme étonnant pour mieux faire résonner la fulgurance de la passion amoureuse de ses héroïnes. Le résultat est un bouleversant paradoxe.
Notre critique de The World to Come
Dossier 2019 : les 25 meilleurs films inédits en salles
Dossier 2018 : les 25 meilleurs films inédits en salles
Dossier réalisé par Gregory Coutaut le 17 décembre 2020.
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