Gérardmer 2019 : le bilan

Que retenir de cette 26e édition du Festival du Film Fantastique de Gérardmer ? Le Polyester fait le bilan.

Deux films à nos yeux ont survolé la compétition 2019. Devancés par un bon buzz, ils ont tous les deux logiquement été primés : le Suédois Aniara, intelligent film de science-fiction réalisé par Pella Kagerman et Hugo Lilja, et le Coréen The Witch : Part.1 The Subversion, ambitieux thriller fantastique réalisé par Park Hoon-Jung. A ces réussites, on peut ajouter le savoir-faire coréen de Rampant. Les très soignés The Witch et Rampant confirment une chose : il n’y a pas beaucoup de cinémas populaires dans le monde qui traitent leur public avec autant de respect que le cinéma coréen.

Dans son ensemble, la compétition nous a malheureusement semblé être la plus faible en une dizaine d’années. Sans exiger un chef d’œuvre à chaque séance, Escape Game, The Dark, Lifechanger, Await Further Instructions, Endzeit, Puppet Master (soit plus de la moitié de la compétition!) nous ont tous paru aussitôt vus, aussitôt oubliés. Point de vue faible ou inexistant, mise en scène sans personnalité – on se souvient alors des ambitieux longs métrages qui ont parfois (c’est un comble) été houspillés par une partie du public de Gérardmer il y a quelques années. La compétition ici semble avoir été pensée pour ne surtout pas froisser les fanboys qui huaient les Cattet-Forzani ou Lucile Hadzihalilovic. Des films de genre ambitieux, on en a vu ces derniers mois, notamment dans des festivals dont ce n’était même pas la spécialité : ces films existent. Peut-être clivants, mais plus excitants qu’un magma tiède de DTV calibrés et endormant toute hostilité.

Plusieurs longs métrages de la compétition se sont penchés, à travers le fantastique, sur des problématiques très actuelles. Lorsqu’un pays est frappé par le terrorisme (The Unthinkable), quand la nature reprend ses droits alors qu’une pandémie a décimé la population (Endzeit), ou quand on part vivre ailleurs dans l’espace après épuisement de la Terre (Aniara). Mais le grand sujet de Gérardmer cette année semble surtout avoir été la masculinité. Pas tant, comme on pouvait légitimement s’y attendre, la masculinité toxique, mais la masculinité fragile et à rassurer.

Dans Zoo, un homme traité de lavette par sa compagne va devoir affirmer son héroïsme viril pour la reconquérir. Dans The Unthinkable, un jeune homme traité de lavette par son père va devoir affirmer son héroïsme viril (notamment pour reconquérir la blonde de ses rêves). Dans Await Further Instructions, un jeune homme traité de lavette par son grand-père va devoir affirmer son héroïsme viril pour survivre (et rassurer sa copine). A cela, on peut ajouter Lifechanger qui vendange son pitch conceptuel pour finalement ne raconter que les déboires d’un garçon qui n’arrive pas à choper la fille de ses rêves (tragique !). Au-delà du cliché de cet arc narratif (qu’on pouvait observer plusieurs fois en 24 heures au festival), il y a cette idée un peu infantilisante du genre fait pour prendre ses petits spectateurs mâles dans les bras en leur chuchotant à l’oreille : « tu n’es pas un mini-monsieur ». Est-ce qu’on peut espérer des problématiques et personnages un peu moins puérils ? A t-on vu beaucoup de films s’adressant à leurs spectatrices en les rassurant sur leur féminité ? Elles n’en ont pas besoin, et tous ces grands garçons ne devraient pas en avoir besoin non plus.

Le Grand Prix est allé à Puppet Master : The Littlest Reich. C’est une comédie horrifique aux mises à mort particulièrement fun, mais qui en termes de cinéma ne propose pratiquement rien. On n’est pas sûr que récompenser le 13e (!) volet d’une série témoigne d’une haute ambition pour le genre – mais ce n’est pas totalement la faute du jury. Pourquoi mettre en compétition un film de nuit décalée ? Les autres longs métrages primés nous ont semblé, en tout cas, plus consistants.

L’un des points forts de cette édition a finalement résidé dans son attention cinéphile portée aux classiques du genre. Pas les plus évidents, et c’est là qu’on retrouve la mission de défrichage hors des sentiers battus qui devrait être celle de tout festival – et a fortiori d’un festival de genre. Les séances du Renne blanc (conte fantastique finlandais visuellement superbe), de Chair pour Frankenstein (craquage merveilleusement jubilatoire avec un inoubliable Udo Kier – à qui un hommage a été réservé) ou encore La Rose écorchée (pépite qui à tout point de vue semble venir d’une autre dimension) ont été les meilleures du festival. On espère, du côté des avant-premières, autant de curiosité et d’éclectisme pour l’édition 2020.

Retrouvez toute notre couverture du festival sur notre page spéciale.

Nicolas Bardot

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