Festival de La Roche-Sur-Yon 2024 : notre bilan

Le Festival de La Roche-Sur-Yon s’est achevé ce weekend et l’événement était à suivre comme chaque année sur Le Polyester. Nous revenons sur les temps forts de cette 15e édition.


Pierce

Rappelant le pointillisme de la peinture signée par l’artiste Cyrielle Gulascy (lire notre entretien) dont la toile a servi d’affiche pour le festival, les nombreux films en tous genres et tous formats sélectionnés cette année ont constitué un vibrant paysage de cinéma. Difficile de réduire celui-ci à une ou quelques lignes directrices tant l’éclectisme est dans l’ADN du Festival de La Roche-sur-Yon. Avant premières qui se déploient en cinéma d’auteur et films populaires, classiques entre pépites restaurées et séances hommages, courts métrages (qui vont des courts tels qu’on peut les voir en festivals à des séances dédiées aux clips) : le programme 2024 a une nouvelle fois été d’une grisante générosité.


Fogo do vento

Le jury de la compétition internationale a couronné Pierce, premier long métrage encore sans distributeur de la Singapourienne Nelicia Low. Ce drame fraternel visuellement très élégant n’a pas peur du romanesque et révèle une cinéaste à suivre. Également primé, dans un autre registre, la comédie dramatique A Real Pain de l’Américain Jesse Eisenberg fait preuve d’une très efficace habileté pour mêler les tonalités. Ce crowdpleaser sortira en salles le 26 février 2025. A noter que Pierce et A Real Pain ont en commun le même directeur de la photographie : le Polonais Michal Dymek.

Dans une compétition Nouvelles Vagues de très haut niveau, les deux lauréats ont été l’étrange et exigeant ovni Bogangloch du Britannique Ben Rivers et le conte de Noël à la Virgil Vernier Cent mille milliards (en salles le 4 décembre). Autour de ces deux propositions ne manquant pas de personnalité, signalons des coups de cœur que nous avions déjà évoqués (Toxic de la Lituanienne Saulé Bliuvaité, couronné à Locarno, ou La Source de la Canado-Tunisienne Meryam Joobeur, en compétition à la Berlinale, en salles le 1er janvier 2025) et une pépite découverte sur place : Fogo do vento de la Portugaise Marta Mateus. Produite par Pedro Costa, cette fable poétique est d’une puissance picturale éblouissante.


Tardes de soledad

C’est une habitude à La Roche-sur-Yon et c’était plus que jamais le cas cette année : la sélection a été riche en brillants documentaires. Ce sont des films qui examinent avec ambition le monde actuel, comme l’Ukrainien Interceptés d’Oksana Karpovych, le Palestinien No Other Land de Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor ou, dans un registre moins immédiatement tragique, l’Autrichien Favoriten de Ruth Beckermann. Mais, sans réduire le mérite de ces puissants films, le documentaire à La Roche-sur-Yon était également le territoire de l’imaginaire comme dans le pari fou de Grand Theft Hamlet (la rencontre du jeu vidéo GTA et de Shakespeare), le geste esthétique stupéfiant de Tardes de soledad (qu’Albert Serra a commenté dans notre entretien) ou encore l’expérience Architecton dans lequel Victor Kossakovsky filme la pierre comme on ne l’a jamais vue.


Nous ne serons pas les derniers de notre espèce

Saluons à nouveau le choix du festival de ne pas cantonner les courts métrages à une case spéciale. Ceux-ci étaient visibles au fil des sections et nombreux sont ceux qui ont retenu notre attention, comme le récit d’apprentissage fantastique Shé de l’Américaine Renee Zhan (entretien prochainement en ligne), la fable animée Les Gens dans l’armoire de la Coréenne Dahee Jeong, l’ovni absurdo-existentiel Nous ne serons pas les derniers de notre espèce de l’Israélienne Mili Pecherer, le conte fantastique The Masked Monster du Coréen Park Syeyoung ou encore le drame au surnaturel minimaliste The Watchman du Libanais Ali Cherri. Le court métrage, au même titre que le long, fait partie de la création contemporaine. Le clip également, comme l’ont rappelé deux programmes concoctés par Nicolas Thévenin : l’un spécifiquement dédié aux clips réalisés par Jonathan Glazer, l’autre proposant un panorama de 2024 parmi lequel on a remarqué entre autres la bombe surréaliste Tailor Swif d’A$AP Rocky.


Tailor Swif

Les adaptations littéraires étaient nombreuses cette année au festival, de l’adaptation de Sagan Bonjour tristesse de Durga Chew Bose en compétition à celle plus contemporaine de La Nuit chienne de Rachel Yoder dans le film Nightbitch de Marielle Heller, en passant par la projection en superbe copie restaurée de l’entêtant et mystérieux La Captive où Chantal Akerman explore La Prisonnière de Marcel Proust. L’adaptation a également fait l’objet d’une rencontre brillante entre Audrey Diwan, Ariane Labed et Olivia Rosenthal. Un échange qui compte parmi les nombreux temps forts d’un festival qu’on a déjà hâte de retrouver l’année prochaine. Retrouvez notre couverture du festival ci-dessous.


NOS ENTRETIENS

• Albert Serra sur Tardes de soledad

• Dahee Jeong sur Les Gens dans l’armoire

• Renee Zhan sur Shé (Snake)

• Mili Pecherer sur Nous ne serons pas les derniers de notre espèce

• Ariane Labed sur Olla


NOS CRITIQUES

Compétition internationale

A Real Pain, de Jesse Eisenberg
Brief History of a Family, Jianjie Lin
Pierce, de Nelicia Low
Problemista, de Julio Torres

Compétition Nouvelles Vagues

Cent mille milliards, de Virgil Vernier
Arcadia, de Yorgos Zois
Bogancloch, de Ben Rivers
Dream Team, de Lev Kalman et Whitney Horn
Fogo do vento, de Marta Mateus
Grand Theft Hamlet, de Pinny Grylls et Sam Crane
La Source, de Meryam Joobeur
Toxic, de Saulė Bliuvaitė

Séances spéciales

Architecton, de Victor Kossakovky
La Cocina, d’Alonso Ruizpalacios
Didi, de Sean Wang
Familiar Touch, de Sarah Friedland
Favoriten, de Ruth Beckermann
No Other Land, de Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor
Phantosmia, de Lav Diaz
Tardes de soledad, d’Albert Serra

Continuités

Les Damnés, de Roberto Minervini
Les Feux sauvages, de Jia Zhang-Ke

Génération Ukraine

Interceptés, d’Oksana Karpovych

Perspectives

Crossing Istanbul, de Levan Akin
Shambhala, de Min Bahadur Bham
Skill Issue, de Willy Hans


Le site officiel

Nicolas Bardot

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