Berlinale | Critique : Arcadia

Katerina, neurologue, et Yannis, médecin à la retraite, sont en route pour une station balnéaire hors saison. Yannis a été appelé à l’hôpital pour identifier la victime d’un tragique accident. Lorsque le policier local les emmène à la morgue et les informe que le véhicule de la victime a plongé par-dessus le parapet d’un pont de pierre, Katerina voit ses pires soupçons confirmés.

Arcadia
Grèce, 2024
De Yorgos Zois

Durée : 1h39

Sortie : –

Note :

MIRAGE DE LA VIE

Tout commence par un rêve, ou plutôt un cauchemar. Allongée sur la banquette arrière d’une voiture en marche, Katerina se réveille d’un cri sec. L’homme au volant et elle sont en train de se rendre en vitesse vers un endroit qu’on réalise être une morgue. Pas besoin qu’une seule ligne de dialogue ne soit prononcée, pas besoin que la caméra ne nous montre ce qu’ils sont venus y voir, tout est déjà suggéré avec brio dans cette appétissante introduction muette : la peur de la mort, la sidération du deuil, et l’immensité de la question « et maintenant ? ». Ça commence par un cauchemar mais Katerina et son compagnon ne sont-ils pas entrés dans un autre ?

Quant au spectateur, c’est plutôt dans un rêve qu’il a l’impression de pénétrer. Fidèle au surréalisme ludique du cinéma grec, Arcadia propose une étrange puzzle en apesanteur. Hébétés par l’irruption de la tragédie, Katerina et ses proches doivent comme réapprendre à vivre au quotidien, mais comment faire quand ce dernier se met à ressembler à un rébus peuplé de femmes unijambistes et d’envahissantes visions sensuelles ? L’une des premières répliques du film est « ce n’est pas le moment de poser des questions » et l’avertissement ne manque pas d’ironie dans ce slalom de mystères et de présages où l’on se demande qui hante qui. Visage familier de la nouvelle génération grecque et du cinema d’auteur international le plus pointu, Angeliki Papoulia fait une nouvelle fois merveille pour traduire cette frontière entre trouble de l’absurdité et inquiétude solennelle.

L’Arcadie n’est pas seulement le nom d’une région de Grèce : dans la mythologie du pays, c’était avant tout le nom d’un paradis perdu symbolique de l’impermanence de l’existence. Il s’agit aussi ici du nom d’un bar où il se passe des choses bien énigmatiques. Ironiquement, les scènes situées à l’intérieur du bar sont parmi les moins percutantes du film et leur répétition tend à faire stagner l’ensemble à la longue. C’est au contraire quand la caméra du cinéaste Yorgos Zois s’évade dans la nature environnante qu’elle excelle. Par sa simple manière de placer et cadrer ses personnages dans le paysage (contre plongée devant un ciel immense, reflets dorés ou symétrie nocturne), il parvient à les faire tanguer avec une étonnante mélancolie sur cette frontière entre la vie et la mort.

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par Gregory Coutaut

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