Les 15 meilleurs courts métrages du Festival de Rotterdam 2024

La sélection de courts métrages lors du dernier Festival de Rotterdam a été l’une des toutes meilleures qu’on ait pu voir ces dernières années, tous festivals confondus. Nous vous proposons une sélection de 15 pépites originales et excitantes qui regorgent de talent. En complément, nous parlons également de certaines des meilleures installations vidéo et films en VR dans notre bilan de cette édition.



6000 mensonges | Simon Rieth (France)
L’histoire : Des images prénatales comme on a l’habitude d’en voir. Puis soudain, une plongée dans un territoire inconnu, laissant place au témoignage d’une expérience dévastatrice vécue par beaucoup en silence.
Pourquoi on l’aime : Difficile de rendre justice au puissant basculement de ce film très bref (5 minutes, générique compris) sans trop en révéler. Avec ce mandala d’images radiographiques, le Français Simon Rieth nous a brisé le cœur en dressant un pont tranchant entre documentaire et fantastique, entre la froideur mécanique des images médicales et l’intimité humaine la plus universelle et touchante.



Crazy Lotus | Naween Noppakun (Thaïlande)
L’histoire : Des choses étranges semblent arriver à des citoyen.ne.s qui, le long de la berge, sont en quête de Good Seconds. Les personnages errent alors entre des possibilités infinies.
Pourquoi on l’aime : L’un des trois films couronnés par le Tiger Award, Crazy Lotus de Naween Noppakun (lire notre entretien) est un voyage inouï de la rêverie SF au film expérimental. Entre bavures glitch et sang qui coule, entre voix d’outre-tombe et voix de bébé, ce songe aux roses et violets scintillants, investissant la réalité la plus étrange, est d’une absurdité radicale qui nous fait demander : « mais qu’est-ce qu’on est en train de voir ? ». Voilà bien une question excitante à se poser devant un film.



The Electric Kiss | Rainer Kohlberger (Autriche)
L’histoire : Des images générées par algorithme questionnent le rapport entre nous et les constructions du réel.
Pourquoi on l’aime : Déjà remarqué avec Answering the Sun qui figurait dans notre dossier consacré aux meilleurs courts métrages de 2022, l’Autrichien Rainer Kohlberger signe une boucle d’images hypnotiques qui se déroule entre le passé et le futur, ici comme dans le cosmos. Pendant ce temps, une voix-off énonce ses commentaires aléatoires ou absurdes, sans qu’on ne sache s’il s’agit d’une voix omnisciente ou d’un bug vertigineux dans lequel nous sommes irrésistiblement aspirés.



Flatastic | Alice Saey (France)
L’histoire : Poussées dans leurs derniers retranchements, les raies manta prennent le contrôle de la Terre. L’instauration de la nouvelle ère Raie passera par l’aplatissement systématique de chaque surface et de chaque objet. Y compris des humains.
Pourquoi on l’aime : La Française Alice Saey (lire notre entretien) signe un court métrage d’animation étonnant, où la violence est pastel et où les tonalités contraires se rencontrent dans un univers imprévisible. Le monde formaté et aliénant de Flatastic est rempli de couleurs ravissantes où chaque mouvement prend une dimension chorégraphique. Derrière ces séduisantes apparences se cache une réalité plus inquiétante, même si celle-ci s’exprime par la fantaisie et l’absurde.



Flower Show | Elli Vuorinen (Finlande)
L’histoire : C’est l’ouverture d’une grande exposition florale annuelle. Alors que les petites filles sont habillées pour l’occasion, les femmes plus âgées doivent faire face à un ensemble d’attentes complètement différentes. Apparemment coincées entre des jeux sensuels et des regards inconfortables, ces filles trouveront-elle une échappatoire à ce rituel ?
Pourquoi on l’aime : Ce court métrage d’animation de la Finlandaise Elli Vuorinen (lire notre entretien) est une fable sur la féminité qui se déroule dans un décor fleuri à la fois bucolique et étouffant. La menace semble tapie quelque part, parmi d’adorables couleurs. Le trait vibrant de Vuorinen donne au film une énergie débordante où l’eau, l’herbe et les fleurs ont l’air vivantes. Mais dans l’étrange monde de Flower Show, ce n’est pas d’elles qu’il faut avant tout se méfier…



Grandmamauntsistercat | Zuza Banasińska (Pays-Bas)
L’histoire : Une réinvention de la figure de Baba Yaga, la sorcière slave classique, à partir d’images d’archives du Studio de cinéma éducatif polonais.
Pourquoi on l’aime : Dès son titre, le court métrage de Zuza Banasińska, originaire de Pologne, propose une énigme. Drôle, ludique et déroutant, Grandmamauntsistercat propose un flux d’images habitées par un malaise surréaliste et grinçant. Avec un talent prometteur, Banasińska réussit ce paradoxe : faire un film fantastique à partir de films d’archives. Le texte dit dans cet ovni ensorcelant ne serait-il pas une formule magique de Baba Yaga ?



Preoperational Model | Philip Ullman (Pays-Bas)
L’histoire : La princesse Sophie et sa servante Jessica se préparent pour une nouvelle journée à la cour. L’angoisse de Sophie face à son avenir vient soudain bouleverser la hiérarchies et la chronologie de leurs vies.
Pourquoi on l’aime : Ça commence comme un conte enfantin avec des créatures anthropomorphiques au design un peu bizarre, avant de basculer dans un récit méta et mélancolique sur des histoires sans fin ni issues de secours. En n’utilisant rien d’autre que des images de synthèses, le Suédois Philip Ullman parvient à assembler un mini-puzzle vertigineux sur la solitude humaine. Cette rêverie animée réussit d’ailleurs le rare doublon d’être également sélectionnée en compétition à la Berlinale dans quelques jours.



If I’m Here It Is By Mystery | Clari Ribeiro (Brésil)
L’histoire : Nouveau Rio, en l’an 2054. L’Ordre de la Vérité fait des ravages dans les rues, tuant tous les êtres dotés de pouvoirs spéciaux. La célèbre sorcière Dahlia est déterminée à vaincre l’Ordre et rassemble un clan de personnes trans et queer, chacune avec son propre talent surnaturel. Le destin de la ville est entre leurs mains.
Pourquoi on l’aime : If I’m Here It is by Mystery débute comme un giallo et c’est en effet toute une dimension pulp que Clari Ribeiro va investir dans son réjouissant court métrage. Le film est une fantaisie camp, rayonnante et ludique. Porté par un mood rêveur, If I’m Here… est visuellement très soigné. Cette célébration des super-pouvoirs des marginales et marginaux, héroïnes drag ou personnes racisées, est aussi généreuse que galvanisante.



Mamántula | Ion de Sosa (Espagne)
L’histoire : Des meurtres épouvantables et sanglants sèment la panique dans la communauté queer : un tueur assoiffé de sperme est en liberté et personne n’est à l’abri.
Pourquoi on l’aime : Une araignée extraterrestre prend l’apparence d’un daddy en cuir pour mieux faire des pipes mortelles à des mecs en chaleur. Ce pitch et ce titre en or (mélange de pipe et tarentule) promettent une blague potache mais en nous plongeant au contraire dans la grisaille d’un Berlin vintage et la torpeur lunaire d’une non-enquête à la Trenque Lauquen, l’Espagnol Ion de Sosa nous offre un voyage cinéphile queer de 48 minutes encore plus bizarre que prévu.



Peeper | Han Changlok (Corée du Sud)
L’histoire : Une femme va à la rencontre d’un cinéaste qu’elle admire. Elle lui confie une histoire qui pourrait être le point de départ d’un film.
Pourquoi on l’aime : A partir d’éléments minimalistes (deux personnages, une discussion), le jeune Coréen Han Changlok (lire notre entretien) délivre une leçon de mise en scène doublée d’une leçon d’écriture. Le cadrage et le montage aiguisés de Peeper nous plongent immédiatement dans ce récit secret. C’est un film sur la narration et son pouvoir, exécuté avec une impressionnante maîtrise toute coréenne. Vite, la suite !



To Exist Under Permanent Suspicion | Valentin Noujaïm (France)
L’histoire : Claire, une femme d’affaires promouvant un nouveau gratte-ciel de bureaux, se retrouve isolée dans un environnement glacial. Sa solitude éveille en elle des rêves enflammés de destruction.
Pourquoi on l’aime : Est-ce un drame social ? Une comédie ? Un film catastrophe ? Le Français Valentin Noujaïm, qui a la bonne idée de ne pas choisir, déjoue à peu près toutes les attentes (et les clichés) du court métrage en milieu professionnel avec ce récit très intrigant. Celui-ci met en scène la brillante Kayije Kagame, révélée dans Saint Omer d’Alice Diop.



Void | Yusuke Iwasaki (Japon)
L’histoire : Les camarades de classe d’Asagi ne semblent pas inquiètes lorsque Satake meurt subitement d’une manière étrange : elles continuent simplement leurs conversations sur la nourriture ou le karaoké. Alors qu’Asagi est confrontée à cette perte, tout ce qui l’entoure devient de plus en plus absurde.
Pourquoi on l’aime : C’est le chef d’œuvre de cette sélection de courts métrages – et du Festival de Rotterdam tout court. Le Japonais Yusuke Iwasaki investit les codes de la j-horror parmi les lycéennes tout en apportant une perspective neuve, qu’il s’agisse de sa mise en scène ou sa narration. Tout en ruptures sonores et rythmiques, Iwasaki invente son propre style dans cette indicible horreur au déroulement imprévisible. Le résultat est une sidération de 24 minutes.



The Watchman | Ali Cherri (Italie)
L’histoire : Le sergent Bulut passe ses nuits dans une tour de guet à attendre un ennemi qui n’arrive pas, jusqu’à ce que d’étranges lumières apparaissent soudainement à l’horizon.
Pourquoi on l’aime : Remarqué notamment avec son long métrage Le Barrage qui fut sélectionné à la Quinzaine, l’artiste libanais Ali Cherri signe un court métrage fascinant entre vibration fantomatique et science-fiction. Que sont ces lumières et ces énigmes qui s’offrent au regard du protagoniste – et au nôtre ? Cette captivante bulle comme hors du monde déploie un généreux mystère et confirme le talent magnétique de son auteur.



Workers’ Wings | Ilir Hasanaj (Kosovo)
L’histoire : Milazim, Fatmir et Liridon sont des ouvriers chevronnés qui ont été victimes d’accidents sur leur lieu de travail au Kosovo, le plus jeune pays d’Europe. Ils témoignent dans ce court métrage.
Pourquoi on l’aime : Également récompensé par le Tiger Award, Workers’ Wings réunit les témoignages d’ouvriers se confiant sur leurs graves accidents du travail. C’est, évidemment, un film politique sur l’exploitation, mais le Kosovar Ilir Hasanaj modifie notre regard par son approche sensible qui tranche avec les attentes d’un documentaire réaliste. L’image voilée brouille la temporalité : cette violence de classe est celle de maintenant mais aussi de toujours.



You can’t get what you want but you can get me | Samira Elagoz & Z Walsh (Pays-Bas)
L’histoire : Une série de photos et de captures d’écran raconte comment Samira Elagoz et Z Walsh, deux artistes transmasculins, tombent follement amoureux l’un de l’autre.
Pourquoi on l’aime : Cet enchainement de photos, selfies et captures d’écran épousant la chronologie d’une histoire d’amour entre deux mecs trans (les deux cinéastes eux-mêmes) pourrait sur le papier ressembler à une simple soirée diapo privée, mais l’humilité de ce bricolage queer qu’on croirait confectionné en direct sous nos yeux et la puissance que prennent ces images intimes et rares sur grand écran font de cette vignette documentaire l’un des sommets d’émotion de cette édition.


Nicolas Bardot & Gregory Coutaut

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