Berlinale | Critique : Crossing

Lia, professeure à la retraite, quitte son village géorgien pour partir à la recherche de sa nièce trans exilée à Istanbul.

Crossing
Suède, 2024
De Levan Akin

Durée : 1h45

Sortie : –

Note :

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Crossing signifie traversée et des traversées, Lia va justement devoir en faire pour retrouver la trace de sa nièce disparue à Istanbul. D’abord en prenant le bac pour franchir la Mer Noire et la frontière séparant sa Géorgie natale de la Turquie, puis en zigzagant à travers le Bosphore, écumant les quartiers les moins touristiques de la capitale. Ces traversées-là, Lia la vieille râleuse scandalisée pour un rien n’est pas seule à les effectuer. D’abord parce que l’on devine que sa nièce a suivi le même parcours quelques années auparavant (cherchant davantage à fuir quelque chose qu’à partir en vacances), mais aussi car Lia se retrouve par un concours de circonstances accompagnée d’un copilote de fortune imprévu : un ado prêt à tout pour aller s’épanouir loin des latitudes géorgiennes. Chacun son exil, mais cela n’empêche pas les chemins de chacun de se croiser et faire route commune.

Si le cinéaste suédois d’origine géorgienne Levan Akin avait déjà été sélectionné à la Berlinale en 2015 dans un registre très différent avec The Circle (l’adaptation relativement anecdotique d’un roman d’aventures surnaturel pour jeunes adultes) il s’était davantage fait repérer à Cannes grâce à son film suivant, Et puis nous danserons. Cette histoire de coming out adolescent dans le milieu de la danse traditionnelle possédait à la fois une trame fort classique et un regard chaleureux, et c’est un équilibre similaire qui est aujourd’hui à l’œuvre dans Crossing, même si la vie est loin d’être simple pour les différents personnages que l’on croise au fil de ces traversées. Crowdpleaser avec un cœur gros comme ça, Crossing évoque dans ses meilleurs moments l’équilibre sentimental des portraits collectifs de Nadine Labaki, mais n’évite pas une certaine naïveté a force de voir les choses en rose.

On l’apprend assez vite, la nièce de Lia est trans. C’est donc au sein de cette communauté que cette héroïne revêche accompagnée de son grand dadais (l’efficacité comique de ce duo mal assorti fait plaisir à voir) vont mener leur enquête. Akin fait de son mieux pour rééquilibrer le fait que pendant toute une partie du film, tous les personnages trans sont des prostituées, intégrant de façon un peu artificielle un personnage d’avocate pourtant amusante. La maladresse principale du scénario réside surtout dans son dénouement. Le film s’ouvre sur Lia, mais à mesure que celle-ci quitte son village et découvre des vies différentes de la sienne, elle commence à regretter d’avoir poussé sa nièce à l’exil.

La question du droit des victimes de transphobie et d’homophobie à rester en paix loin de leurs familles toxiques commence à peine à effleurer son esprit et la surface de ce récit choral que celui ci se resserre finalement sur Lia demandant à être pardonnée pour son intolérance passée. Lia a beau être un sympathique personnage, interprété avec panache par Mzia Arabuli, on se demande si on n’aurait pas préféré connaître plutôt le point de vue des protagonistes queer qui ne sont ici que des personnages secondaires dans sa quête de rédemption. Crossing n’est peut-être pas à la pointe des représentations trans les plus contemporaines, mais ce film tout public possède une énergie, un allant et un humour auxquels il est difficile de rester insensible.

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par Gregory Coutaut

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