Au fil des nombreux festivals couverts toute l’année par Le Polyester, nous avons pu faire des découvertes excitantes et remarquables. Malgré la riche offre de films dans les salles françaises, beaucoup restent inédits chez nous. Voici 12 pépites qui n’ont pas encore été montrées en France (du moins à notre connaissance) et qui ont particulièrement retenu notre attention.
• The Adamant Girl | Vinothraj PS (Inde)
Découvert à la Berlinale
L’histoire : Deux familles planifient le mariage de leur fille Meena et de leur fils Pandi. Mais Meena est amoureuse de quelqu’un d’autre, qui plus est d’une caste inférieure. Ses proches, qui la croient possédée, souhaitent l’exorciser.
Pourquoi on l’aime : Révélé avec le déjà remarquable Peebles, l’Indien Vinothraj PS confirme de la plus belle des manières avec ce drame électrique qui fait preuve d’audacieuses idées cinématographiques. Porté par un mauvais esprit autant qu’une saine colère, The Adamant Girl est particulièrement étonnant, branché sur un courant à l’intensité imprévisible.
Notre critique de The Adamant Girl
Notre entretien avec Vinothraj PS
• All, or Nothing at All | Jiajun “Oscar” Zhang (Chine)
Découvert au Festival New Directors/New Films
L’histoire : Dans le gigantesque centre commercial Global Harbor de Shanghai, des inconnus se rencontrent, se séduisent ou se fuient mutuellement.
Pourquoi on l’aime : Remarqué avec le superbe court métrage If You See Her, Say Hello qu’il avait coréalisé avec Hee Young Pyun, Jiajun “Oscar” Zhang signe un premier long où la mise en image apporte à l’errance de ses protagonistes un relief particulièrement riche et contemporain. Tout en filmant ce singulier décor, le cinéaste crée régulièrement un vertige qui fait complètement oublier qu’on est enfermé dans un lieu unique.
Notre critique de All, or Nothing at All
Notre entretien avec Jiajun “Oscar” Zhang
• Borrowed Time | Choy Ji (Chine)
Découvert au Festival de Rotterdam
L’histoire : Mak Yuen-ting va bientôt se marier et quitte Hong Kong pour retrouver son père, disparu depuis vingt ans. Ce dernier s’est établi à Guangzhou pour le travail. Yuen-ting découvre une lettre que son père a envoyé jadis à sa mère…
Pourquoi on l’aime : Borrowed Time est une énième preuve de la brillance du jeune cinéma d’auteur chinois. Cette quête identitaire entre Chine continentale et Hong Kong se distingue par ses majestueux plans d’ensemble et sa lumière magique. Choy Ji réalise l’un des premiers longs métrages les plus prometteurs de l’année.
Notre critique de Borrowed Time
• The Cats of Gokogu Shrine | Kazuhiro Soda (Japon)
Découvert à la Berlinale
L’histoire : Une large communauté de chats s’est installée autour du sanctuaire shintoïste d’Ushimado. Certains riverains s’occupent d’eux, d’autres sont dérangés par le désordre qu’ils causent. Kazuhiro Soda observe leur coexistence avec bienveillance, précision et une implication ponctuelle.
Pourquoi on l’aime : Réalisateurs des magnifiques Inland Sea ou Professeur Yamamoto part à la retraite, le Japonais Kazuhiro Soda choisit ici un sujet en apparence plus léger. Mais derrière cet (adorable) royaume des chats, il y a nos sociétés, leur organisation, et des cycles que Soda observe avec la finesse et la sensibilité qu’on lui connaît : les jours, les saisons, la vie, la mort – et les siestes.
Notre critique de The Cats of Gokogu Shrine
Notre entretien avec Kazuhiro Soda
• Drowning Dry | Laurynas Bareiša (Lituanie)
Découvert au Festival de Locarno
L’histoire : Ernesta passe le week-end à la campagne avec sa famille et celle de sa sœur Juste. Lukas, son mari, vient de remporter un tournoi d’arts martiaux mixtes. Les familles se baignent dans un lac des environs, dînent et discutent de leurs finances. Après un accident presque tragique, les sœurs se retrouvent mères célibataires. Le film suit leur vie au lendemain de la tragédie.
Pourquoi on l’aime : Le Lituanien Laurynas Bareiša (révélé avec l’excellent Pilgrims) signe un saisissant puzzle avec ce film primé à Locarno. L’imprévisible structure narrative vient traduire avec originalité la complexité des sentiments caractérisant les familles où les rapports ont été soudain redistribués par un drame. Maitrisé, magnétique et énigmatique, ce drame sur les mystères du deuil a de quoi laisser KO.
Notre critique de Drowning Dry
• The Great Yawn of History | Aliyar Rasti (Iran)
Découvert à la Berlinale
L’histoire : Beitollah rêve qu’un coffre rempli de pièces d’or l’attend au fond d’une grotte. Sa foi le pousse à croire que ces pièces sont un miracle et à partir à leur recherche. Ne considérant pas ces pièces comme halal, il souhaite trouver un assistant athée pour l’accompagner dans sa quête.
Pourquoi on l’aime : Cette parabole iranienne dose avec une très grande habileté mystère et humour. Selon les séquences, selon l’angle sous lequel on regarde le film, on est ici tantôt face à une errance mystique vertigineuse, tantôt face à un récit picaresque digne des Pieds nickelés. Aliyar Rasti bâtit un ambitieux voyage au bord du réel avec cette farce fantomatique comme on en voit rarement.
Notre critique de The Great Yawn of History
• Olivia & Las Nubes | Tomás Pichardo-Espaillat (République Dominicaine)
Découvert au Festival de Locarno
L’histoire : Olivia, hantée par un amour passé qui vit sous son lit, échange avec lui des fleurs contre de rassurants nuages. Barbara, rejetée par Mauricio, fuit la réalité dans des histoires fantastiques. Mauricio, au comble du regret, est englouti par la terre. Ramon, épris d’Olivia, assiste à la croissance d’une étrange plante qui la reflète.
Pourquoi on l’aime : Ce film d’animation est l’une des œuvres les plus uniques de l’année. Dans Olivia & Las Nubes, les différents récits qui se croisent possèdent chacun leur style graphique. Ce tour de force d’une folle inventivité mêle romance et film musical en un grisant tourbillon formel, où l’animation ouvre un ample et vertigineux champ des possibles.
Notre critique de Olivia & Las Nubes
• One of Those Days When Hemme Dies | Murat Fıratoğlu (Turquie)
Découvert à la Mostra de Venise
L’histoire : Poussé par le besoin urgent de régler une dette, Eyüp travaille sans relâche à la récolte de tomates sous un soleil de plomb. Suite à un affrontement avec son superviseur, il parcourt la ville à la recherche d’une solution radicale.
Pourquoi on l’aime : Le cinéaste turc Murat Fıratoğlu sait se montrer d’une générosité invitante avec ce film visuellement séduisant. Il rend vivante et accessible sa parabole philosophique sur le libre arbitre. En imposant ses propres détours, Fıratoğlu parvient à bâtir un film accessible et singulier à la fois, social, plastique et méditatif dans le même geste.
Notre critique de One of Those Days When Hemme Dies
• Regretfully at Dawn | Sivaroj Kongsakul (Thaïlande)
Découvert au Festival de Busan
L’histoire : Yong, un ancien soldat, habite dans un village paisible en Thaïlande. Il vit avec sa petite-fille qu’il élève comme son propre enfant, et son chien Rambo. Yong pense à celles et ceux qu’il a aimés et ressent le temps qui passe.
Pourquoi on l’aime : 14 ans après son très beau premier long Eternity, le Thaïlandais Sivaroj Kongsakul se rappelle à notre bon souvenir avec ce film qui traverse avec une ambition tranquille la vie et la mort. Doux et amer, dur et tendre : le cinéaste manie ces nuances avec une riche humanité, nourrie notamment par un superbe travail visuel.
Notre critique de Regretfully at Dawn
• Sleeping with a Tiger | Anja Salomonowitz (Autriche)
Découvert à la Berlinale
L’histoire : Après avoir grandi dans le sud de l’Autriche, Maria Lassnig intègre les Beaux-arts et la scène artistique viennoise de d’après-guerre.
Pourquoi on l’aime : A partir d’un genre (le biopic d’artiste) qui peut être aussi répétitif que cadenassé, Anja Salomonowitz signe au contraire un long métrage qui se distingue par sa liberté. Portrait de la personnalité hors normes de la peintre autrichienne Maria Lassnig, Sleeping with a Tiger est une merveille d’inventivité dans laquelle Birgit Minichmayr livre l’une des prestations de l’année.
Notre critique de Sleeping with a Tiger
• Some Rain Must Fall | Qiu Yang (Chine)
Découvert à la Berlinale
L’histoire : Cai est une femme au foyer d’une quarantaine d’années qui ne semble plus savoir qui elle est, ou qui elle veut être. Durant un match de basket de sa fille, elle blesse accidentellement une personne âgée. Cet événement à priori anodin se révèle le catalyseur d’une vie qui se dérobe sous ses pieds.
Pourquoi on l’aime : Se servant d’un fait arbitraire qui viendrait dépeindre le fonctionnement d’une société, Some Rain Must Fall parvient à composer de manière originale le puissant portrait d’un personnage. Dans ce film où l’inexprimé et le non-dit hantent l’image, le Chinois Qiu Yang prouve à chaque plan qu’il sait vraiment faire du cinéma.
Notre critique de Some Rain Must Fall
• Through the Graves the Wind is Blowing | Travis Wilkerson (États-Unis)
Découvert à la Berlinale
L’histoire : Un détective frustré tente d’élucider une série de meurtres à Split, en Croatie, où l’éclatement de la Yougoslavie a laissé des traces.
Pourquoi on l’aime : Entre sérieux documentaire sur le développement de l’extrême-droite en ex-Yougoslavie et comédie potache sur des imbéciles de touristes qui ne respectent rien, Through the Graves the Wind is Blowing se distingue comme un ovni, un puzzle politique galvanisant sur la peur de l’Autre, à la forme et au propos particulièrement contemporains.
Notre critique de Through the Graves the Wind is Blowing
Dossier réalisé par Nicolas Bardot & Gregory Coutaut le 12 décembre 2024.
| Suivez Le Polyester sur Bluesky, Facebook et Instagram ! |