Berlinale | Critique : The Cats of Gokogu Shrine

Une large communauté de chats s’est installée autour du sanctuaire shintoïste d’Ushimado. Certains riverains s’occupent d’eux, d’autres sont dérangés par le désordre qu’ils causent. Kazuhiro Soda observe leur coexistence avec bienveillance, précision et une implication ponctuelle.

The Cats of Gokogu Shrine
Japon, 2024
De Kazuhiro Soda

Durée : 1h59

Sortie : –

Note :

LE ROYAUME DES CHATS

Avec The Cats of the Gokogu Shrine, le documentariste japonais Kazuhiro Soda est de retour à Ushimado, au sud du Japon, non loin du décor qu’il a filmé il y a quelques années dans le bouleversant Inland Sea. On peut se souvenir entre autres, dans ce dernier film, de chat croquant fièrement un poisson tout juste pêché. Comme son titre le suggère, The Cats of the Gokogu Shrine est, lui, entièrement dédié aux chats. Soda, qui a vécu à New York près de 30 ans, a quitté la mégalopole après la crise sanitaire due au covid pour s’installer dans ce coin paisible au bout du monde. A quelques mètres de sa maison partagée avec sa compagne, la productrice Kiyoko Kashiwagi, se trouve un sanctuaire shinto. Mais désormais, ce lieu est avant tout connu comme le « santuaire aux chats ».

Le sanctuaire a en effet été envahi par de nombreux chats des rues vivant auprès des habitant.e.s. Ca n’est d’abord que ça : un documentaire sur beaucoup de chats. Qui pour s’en plaindre ? L’absolue mignonnerie du film n’est certainement pas un défaut : qui n’a pas envie de voir une maman chat nourrir ses chatons avec du poisson chipé à des pêcheurs ? Ou un chat roux se reposer sous des cerisiers en fleurs ? Un chat qui joue avec un micro ? Un chat qui fait la sieste sur le dos tandis que la tempête gronde dehors ? Des chats et chatons gambadant parmi les stèles et les herbes ? Des chats de jour, des chats de nuit ? « Plus il y a de chats, plus c’est mignon » commente une fillette avec un indéniable sens de l’à propos.

Le film n’est, néanmoins, pas qu’un calendrier des postes. Comme dans Campaign (et son candidat à des élections) ou Professeur Yamamoto part à la retraite (et son personnage de psy), Soda part d’un sujet pour en observer le rayonnement et décrire l’organisation (ou désorganisation) de la société autour. Des chats, on en parle jusqu’à l’ordre du jour lors de réunions municipales dans The Cats of the Gokogu Shrine. Certes, et c’est peut-être la limite du long métrage, l’enjeu dramatique des crottes de chats est probablement moins fort que les questions de fin de vie et de maladie dans Yamamoto. Mais Soda sait décrire un monde avec ce regard généreux et attachant, où l’on croise pêcheurs et dames retraitées, écoliers et jardiniers. L’affaire peut être prise au sérieux : des gens viennent ici spécifiquement pour « se soigner » auprès des chats, d’autres s’organisent pour les vacciner ou les stériliser. Et derrière ces matous, c’est toute une organisation humaine que Soda dépeint.

Humaine, mais pas seulement. Car de la mer à la montagne en passant par les typhons qui balaient tout, Kazuhiro Soda explore également le rapport des humains à la nature, très présente dans le film. Présente aussi par les chats : pas des chats domestiques, mais des chats restés relativement sauvages et qui font partie de cette nature à apprivoiser. Les prières humaines résonnent au sanctuaire tandis que les chats vaquent à leurs occupations félines. Les personnes âgées sont nombreuses et comme précédemment dans sa carrière, Soda capture un monde sur le point de s’effacer. C’est un lieu sacré, c’est aussi un lieu de tous les jours. Derrière les adorables portraits de chats, The Cats of the Gokogu Shrine est un film sur les cycles : les jours, les saisons, la vie, la mort – et les siestes.

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par Nicolas Bardot

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