Berlinale | Critique : Some Rain Must Fall

Cai est une femme au foyer d’une quarantaine d’années qui ne semble plus savoir qui elle est, ou qui elle veut être. Durant un match de basket de sa fille, elle blesse accidentellement une personne âgée. Cet événement à priori anodin se révèle le catalyseur d’une vie qui se dérobe sous ses pieds.

Some Rain Must Fall
Chine, 2024
De Qiu Yang

Durée : 1h38

Sortie : –

Note :

PLUIE NOIRE

Palme d’or du court métrage en 2017 avec A Gentle Night, le Chinois Qiu Yang signe son premier long avec Some Rain Must Fall, dévoilé à la Berlinale dans la compétition Encounters. Lors des tout premiers instants du film, on ne comprend pas immédiatement tout ce qui se passe à l’écran : ce n’est pas un défaut, et le film réussit d’ailleurs très finement à faire en sorte que le public n’ait pas trop d’avance sur les protagonistes. Un travelling latéral suit une mère qui avance d’un pas décidé, interprétée par l’excellente Yu Aier qui donne beaucoup de consistance et de relief à son personnage. Le brouhaha du gymnase dans lequel on se trouve est étourdissant, jusqu’à ce que la mère, Cai, soit à l’origine d’un accident qui va faire basculer son destin et le film avec.

Qiu Yang fait preuve d’un talent qui crève les yeux pour installer sans délai une captivante tension. La mise en scène du cinéaste est très inspirée et ce qui est vrai au début du film l’est jusqu’au bout : il n’y a pas un plan de Some Rain Must Fall qui soit filmé platement. Cela peut être la composition du cadre et son profond pouvoir évocateur – comme la place régulièrement laissée autour de la tête de l’héroïne. C’est ce que produit la rupture entre des plans à distance et, subitement, un gros plan. C’est le remarquable usage dramatique de la lumière. A cela s’ajoute un travail brillant sur l’environnement sonore. Pas de doute : ce réalisateur sait faire du cinéma et Some Rain Must Fall n’est pas qu’un scénario sagement illustré.

Parmi ses influences formelles, Qiu Yang cite Edward Hopper, et la manière dont ce dernier voit les habitant.e.s d’une ville et leur relation à l’espace urbain. C’est effectivement une question qui se pose régulièrement dans la mise en scène de Cai. Sa relation à l’espace urbain, mais aussi aux humains qui l’entourent. La vie de cette mère semble s’être écroulée tout à coup après avoir jeté un ballon de basket qui a atterri sur une dame âgée. Un geste nerveux, idiot, qui ferait d’elle une mauvaise personne, une cible à harceler. Mais le long métrage, avec adresse et subtilité, ne va pas totalement dans la direction attendue.

Assiste t-on avec cet accident à un déclencheur ? Ou est-ce que la dureté des rapports humains a toujours été là ? Qiu Yang dépeint chez Cai une froideur émotionnelle, un mépris qui semble en dire long sur le rapport de classes. A partir d’un fait arbitraire qui viendrait dépeindre le fonctionnement d’une société, Some Rain Must Fall parvient à composer de manière originale le puissant portrait d’un personnage. Les images mentales de cette dernière paraissent dessiner une échappatoire, ou un déraillement. L’inexprimé et le non-dit hantent l’image. Some Rain Must Fall dit le titre international, mais les nuages noirs étaient déjà là, bien avant le basculement.

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par Nicolas Bardot

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