Festival New Directors/New Films | Critique : All, or Nothing at All

Dans le gigantesque centre commercial Global Harbor de Shanghai, des  inconnus se rencontrent, se séduisent ou se fuient mutuellement.

All, or Nothing at All
Chine, 2023
De Jiajun “Oscar” Zhang

Durée : 2h04

Sortie : –

Note :

MON AQUARIUM

All, or Nothing at All est le premier long métrage du cinéaste chinois Jiajun “Oscar” Zhang mais nous vous parlions déjà de lui il y a quatre ans à propos du superbe court métrage If You See Her, Say Hello, qu’il avait coréalisé avec Hee Young Pyun. La manière dont ce film combinait photographies et images en mouvement avait une manière presque magique de transformer les lieux filmés par Zhang en décors fantastiques. Le procédé de mise en scène a beau être plus classique dans ce long métrage, c’est une impression similaire qui nous gagne dès les premiers plans, où les panneaux publicitaires lumineux recouvrent les façades de bâtiments modernes d’étonnants poissons géants en mouvement. Sommes-nous en pleine science-fiction ?

All, or Nothing at All se déroule pourtant dans un endroit bel et bien réel, l’action ne sort en effet quasiment jamais des murs de Global Harbor, un immense centre commercial de Shanghai tellement rempli d’écrans et de néons qu’on dirait à la fois un luxueux casino et un aquarium démesuré. Le lieu est si fou que pour un peu, Jiajun “Oscar” Zhang pourrait se contenter d’allumer sa caméra que la captation capterait déjà toute notre attention. Or le cinéaste vise bien sûr beaucoup plus haut et son ambitieuse mise en scène crée régulièrement un vertige qui fait complètement oublier qu’on est enfermé dans un lieu unique.

Qu’il s’agisse d’images captées à la volée au téléphone portable, de compositions géométriques en contre-plongée où les escalators s’enchainent et se croisent à l’infini ou bien de chatoyantes bulles de lumière électrique, il n’y a pas un seul plan d’All, or Nothing at All qui ne soit d’une remarquable élégance, qui n’explose de couleurs vibrantes. Comme dans de plus en plus de films d’auteurs chinois, quelqu’un est d’ailleurs spécifiquement crédité à la colorimétrie au générique.

« A Glogal Harbor, la vie est plus exaltante et chaleureuse » clame le slogan, et ce n’est peut-être pas si faux que ça. Les jeunes gens qui déambulent dans ce lieu de transit semblent n’avoir aucune attache avec le monde extérieur, dont on se demande d’ailleurs s’il existe toujours. « J’aime flotter en venant ici » résume l’une d’entre elles, prête à être cueillie par la romance. Une fille croise à plusieurs reprises un danseur préparant une performance publique, et plus loin un garçon drague une vendeuse en soins cosmétiques.  Ces deux récits ne se mélangent pas, sont traités chacun à leur tour et possèdent leur propre ton. Si le deuxième est le plus réaliste des deux, il déjoue néanmoins les attentes en évitant toute sociologie du monde du travail. C’est aussi la partie du film où le rythme de ces déambulations en apesanteur cache le moins sa torpeur.

La première partie, quant à elle, rue avec bonheur dans les brancards d’un romantisme fort : les images y sont davantage ralenties, comme si les personnages étaient sans cesse sur le point de prendre leur élan vers quelque chose d’immense. Elle offre même des visions poétiques puissantes comme une chute de neige en intérieur ou un opéra impromptu. On ne peut pas dire qu’il se passe mille et un événements dans All, or Nothing at All, les rencontres amoureuses demeurent le plus souvent en pointillés quitte à risquer la stagnation, mais la mise en image de Zhang apporte à leur errance un relief particulièrement riche et contemporain. La superbe bande originale qui va de l’électro mélancolique au hip-hop sauce 80’s achève de rendre cette immersion irrésistible.

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par Gregory Coutaut

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