Berlinale | Critique : The Great Yawn of History

Beitollah rêve qu’un coffre rempli de pièces d’or l’attend au fond d’une grotte. Sa foi le pousse à croire que ces pièces sont un miracle et à partir à leur recherche. Ne considérant pas ces pièces comme halal, il souhaite trouver un assistant athée pour l’accompagner dans sa quête.

The Great Yawn of History
Iran, 2024
De Aliyar Rasti

Durée : 1h33

Sortie : –

Note :

LA SOIF DE L’OR

Ne laissez pas le titre de cet incroyable premier film vous impressionner : le grand bâillement de l’histoire (traduction du titre international) est, comme on l’apprend au détour d’une scène, le nom d’une grotte s’ouvrant dans le désert iranien telle une gueule géante. Ou plutôt, laissez-vous impressionner quand même car la poésie grandiose de ce titre va comme un gant à l’ambition de cet étonnant récit. La formule évoque le récent Le Grand mouvement du Bolivien Kiro Russo, et toutes proportions gardées, ce vrai/faux road movie venu d’Iran n’a pas à rougir de la comparaison avec ce fascinant voyage.

Beitollah a fait un rêve. En tout cas c’est ce qu’il dit, car la caméra colle ici au réel et au quotidien, du moins dans un premier temps. Beitollah a rêvé qu’un coffre à trésor rempli de pièces d’or l’attendait quelque part dans une grotte, et il y croit dur comme fer, dur comme à un message divin. Ce point de départ mériterait d’être traité de façon complétement farfelue mais le cinéaste Aliyar Rasti (dont c’est ici le premier long métrage) choisit étonnamment le ton inverse. Ce n’est pas le premier des contrepieds que le film s’apprête à prendre. En effet, The Great Yawn of History ne ressemble pas à l’un des ces nombreux drames/paraboles qui nous arrivent régulièrement d’Iran. Comme son protagoniste, le film décide de suivre son propre chemin imprévisible. Tant mieux.

Beitollah organise donc un casting pour trouver celui qui aura la chance de l’accompagner dans cette mission noble et néanmoins secrète. Le plus grand sérieux a beau planer au dessus de tous ces prépartaifs, un humour piquant pointe le bout de son nez entre les lignes. Beitollah est-il réellement autre chose qu’un pingre illuminé ? Est-ce par simple peur de devoir partager son butin qu’il choisit comme acolyte le dernier des nigauds ? Le doute est semé, mais voilà déjà les deux compères en route pour le désert. Or, faute de plan d’attaque rigoureux, ils ne tardent pas à se perdre dans une nature géante et impressionnante.

En réalité, il y a bien une parabole au cœur de The Great Yawn of History, mais la grande excitation que l’on ressent ici vient du fait que son explication ne nous est pas livrée clé en main. Selon les séquences, selon l’angle sous lequel on regarde le film, on est ici tantôt face à une errance mystique vertigineuse, tantôt face à un récit picaresque digne des Pieds nickelés. Dosant avec une très grande habileté mystère et humour, Aliyar Rasti bâtit un ambitieux voyage au bord du réel. Une farce fantomatique comme on en voit trop rarement.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article