Berlinale | Critique : All Shall Be Well

Angie et Pat, la soixantaine, sont en couple. Elles vivent ensemble depuis 30 ans dans l’appartement que Pat possède à Hong Kong. Leur relation est acceptée par leurs amis et leur famille, et elles sont aimées par celles et ceux qui les entourent. Après la mort inattendue de Pat une nuit, Angie est non seulement soutenue émotionnellement par son cercle d’amies, mais aussi par la famille de Pat. Cependant, peu à peu, les disputes naissent au sujet de l’enterrement et de l’héritage…

All Shall Be Well
Hong Kong, 2024
De Ray Yeung

Durée : 1h33

Sortie : –

Note :

SANS FAMILLE

All Shall Be Well s’ouvre dans des intérieurs bourgeois et cosy et l’on devine assez vite que la vie d’Angie et Pat est parfaitement confortable. Le Hong Kongais Ray Yeung filme des scènes simples de leur agréable quotidien : un achat (sans compter) chez le fleuriste du coin, un délicieux petit déjeuner, la cuisine avant un chaleureux repas familial. All Shall Be Well – tout va bien se passer, donc. Mais un drame va frapper la vie de tous les jours de ce couple lesbien : Pat meurt subitement.

Dans son précédent long métrage Un printemps à Hong Kong, Ray Yeung posait cette intéressante question : comment trouve t-on sa place au sein de la société lorsqu’on est encore dans le placard non pas à l’adolescence mais à soixante ans passés ? Dans All Shall Be Well, Yeung s’intéresse à nouveau à un type de personnages qu’on voit peu dans le cinéma queer (globalement : des personnes de plus de 50 ans) et c’est déjà là l’une des qualités du long métrage. La question de la place et de la légitimité dans ce nouveau film est différente car Angie n’est certainement pas dans le placard, et son homosexualité semble accueillie comme un non-événement par son entourage aimant. Mais quand Pat disparaît et que les questions d’héritage entrent en jeu – est-ce que tout va bien se passer, vraiment ?

Avec une tendresse parfois proche d’une certaine naïveté, Ray Yeung compose des personnages attachants. Mais peu à peu l’amertume se révèle, à mesure que la voix d’Angie est méprisée. Pour la famille de la défunte Pat, Angie est-elle réellement une belle-sœur et une tante, ou une simple +1 ? La bienséance familiale, les règles à la banque et l’obéissance à la loi sonnent chez Yeung comme autant d’outils d’oppression. Plus que d’un système homophobe, All Shall Be Well traite surtout du paternalisme hétéro où la voix de l’épouse lesbienne ne compte qu’à moitié face à ce qui est considéré comme la vraie famille.

Le regard généreux de Ray Yeung n’empêche pas de dépeindre la violence et la mesquinerie familiales. L’actrice Patra Au apporte beaucoup de relief à son personnage en n’essayant pas de rendre plus lisse l’héroïne qu’elle incarne : Angie n’a pas besoin d’être une femme parfaite et une victime éplorée pour être respectée. Le cinéaste trouve le bon point de vue, comme lorsqu’il élargit le cadre en invitant la famille choisie. Ou, au contraire, lorsqu’il le resserre sur ce couple, sur sa précieuse solitude là aussi choisie, dans un émouvant dénouement.

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par Nicolas Bardot

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