Festival New Directors/New Films | Critique : A Journey in Spring

Khim-hok, un homme âge et boiteux, dépend de sa femme depuis des années. Ils vivent ensemble dans une vieille maison dans la périphérie de Taipei. Le quotidien de Khim-hok est bouleversé quand son épouse meurt soudainement.

A Journey in Spring
Taïwan, 2023
De Peng Tzu-hui & Wang Ping-wen

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

ENSEMBLE, C’EST TOUT

Khim-Hok et Siù-Tuān forment un vieux couple qui a ses habitudes, et dont le quotidien semble à la fois chaotique et réglé comme du papier à musique. Chaque jour, ce sont les mêmes marches à gravir jusqu’à leur maison infernale, et leurs rapports sont tellement brutaux qu’ils ne paraissent plus remarquer leur violence l’un envers l’autre. Que se passe t-il quand, suite à un drame, la routine se retrouve déréglée ?

Dans leur premier long métrage dévoilé en compétition au Festival de San Sebastian, les Taïwanaises Peng Tzu-hui et Wang Ping-wen dépeignent des rapports humains profonds : c’est le mode de fonctionnement d’un couple qui interagit ainsi depuis toujours, avant le basculement dans une folie très ordinaire. Le congélateur ronronnant dans un coin de la maison est-il devenu un cercueil, ou un mausolée ? Ce contraste n’est pas si spectaculaire et A Journey in Spring n’est jamais traité comme le récit d’un fait divers : le deuil plonge tout simplement dans une solitude inconsolable, saisie par le 16mm sensible des cinéastes, avec une image voilée et mélancolique.

Le monde minimaliste dépeint par Peng et Wang est pourtant tout un monde : la vie de couple construite depuis des décennies, avec ses propres règles établies dans l’intimité, mais aussi la vie dans la mort. Ce sont les songes auprès d’une disparue dans la pénombre, c’est aussi le refus des règles de société – pourquoi y obéir alors Khim-Hok et Siù-Tuān ont, en secret, établi leurs propres règles ? On contemple leur micro-existence à la loupe, mais la caméra élargit régulièrement le champ : la forêt et la mer peuvent occuper tout l’espace tandis que les êtres humains dans le cadre redeviennent minuscules.

Si tout est une épreuve (même l’ouverture d’un bocal), A Journey in Spring sait s’arrêter avant d’être cruel et est servi par sa modestie. Peng Tzu-hui et Wang Ping-wen parviennent avec finesse à véhiculer des émotions sans utiliser de grosses ficelles. Elles sont aidées en cela par la qualité de leurs interprètes : King Jieh-wen, qu’on a pu voir notamment dans Goodbye South, Goodbye et Good Men, Good Women de Hou Hsiao-hsien, et Yang Kuei-mei, visage familier du cinéma de Tsai Ming-liang.

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par Nicolas Bardot

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